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Fenêtre sur le Thorval

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Fenêtre sur le Thorval


Fenêtre sur le Thorval KEwIPTW
Les forêts mixtes du Thorval.

Contrée féodale et clanique en perpétuel affrontements seigneuriaux mais recelant tant de Foi catholique immémoriale que des anciennes cultures, coutumes, langues, croyances et légendes du vieux Nord. Les Thorvalois se soumirent à l'Imperium en tant que Foederati.

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La Byzantine (1).
6 août 2011,

Après le passage de la frontière, Teodora se retrouva en pleine nature. Elle n'entendait plus que le clapotis des rivières, le chant gracieux des oiseaux et le bruissement des arbres chatouillés par un vent léger. Celle-ci galopa encore quelques lieues avant de finalement rencontrer des Hommes. Elle tomba sur un moulin à eau, une église, puis sur un châtelet et ses quelques villages fort rustiques, bercés par le cri des coqs et des canetons. Passant devant au petit trot, l'héritière impériale scruta les paysans entrain de moissonner : ils ressemblaient à des fourmis haletantes. Leurs travaux étaient entièrement physiques et manuels, mais étonnamment organisés et groupés. Entre les derniers coups de faux et le battage, il leur fallait finir avant les pluies. Teodora renonça ensuite à se présenter au Jarl du château. Elle était étrangère à ce pays et Dieu seul savait sur quel individu pouvait-elle tomber. Il y avait toute sorte de seigneur au Thorval, du plus magnanime envers ses paysans et ses hôtes au plus terribles et horribles d'entre eux. Leurs sordides histoires étaient d'ailleurs à peine croyables, de vrais parangons de fourberie, de malhonnêteté et de cruauté. Tout, autour d'elle, paraissait complètement arriérés, les encyclopédies n'exagéraient pas.  Les routes étaient des chemins de terre et ne contenaient pas la moindre signalétique, pas même une simple borne de pierre, afin d'indiquer la direction aux voyageurs. Point de villes, point d'usines, point de voitures, point d'essence... rien. La Civilisation semblait s'y être complètement évaporée. Teodora fut soudainement parcourut d'un sentiment indescriptible, une sorte de fascination mêlée de stupéfaction. La princesse pensa pouvoir vivre ici, et non pas seulement y semer les romanos ( Very Happy ) car, malgré l'odeur de bouc, de cheval et de fumier, c'était un charmant pays ! Puis, quelques pas plus loin...

Fenêtre sur le Thorval Bataille

La scène lui glaça le sang. Des dizaines de guerriers gisaient dans les flacs rougeâtres, mélangées de boue, au milieu de bannières souillées, de chevaux inertes et de boucliers fendus. La bataille, fruit de la guerre entre les Jarls de Fúinntönn et de Sainct-Eyfura, n'avait pas plus de quelque jours. Des chiens errants se repassaient des cadavres, tandis qu'une nuée de corbeaux picorait les yeux et la chair en décomposition. L'odeur était insoutenable. Un groupe d'hommes et de femmes, sales et revêches, des brigands, fouinaient et y pillaient sans vergogne. Teodora s'éloigna avant qu'ils ne la voient. La Valdaque frissonnait toujours de peur quand elle arriva à un carrefour rural où se trouvait une taverne. L'établissement était à plusieurs étages et offrait donc des chambres aux gens de passage. L'enseigne, en fer forgé, indiquait « A l'rufian » mais Teodora n'en compris guère le sens.  Quand elle entra, tous la dévisagèrent comme s'il s'agissait d'une Dökkálf (alfe sombre). La femme s'avança malgré tout, timidement, au milieu de gaillards peu commodes, rustauds et odorants. Sur chacun d'eux se trémoussait une plantureuse ribaude, presque entièrement nue, blonde ou rousse. Un bordel. Quand une taverne s'élevait sur plusieurs niveaux, c'était quasi-toujours un commerce de puterelle. Soudain, un brigand la saisit par le bras et l'attira violemment vers lui. Il empestait la bière et l'oignon, et avait les dents gâtés. Teodora se débâtit alors que le reste de la salle encouragea le butor. Luttant de toute ses forces, la Valdaque attrapa une bougie et l'enfonça dans le visage du pillard qui lâcha prise. Assez pour lui permettre de filer.

Teodora courrait tandis que cinq à six rufians la poursuivaient et criaient des choses obscènes. A ce moment, la dame regretta ses choix : chercher à disparaitre au Thorval fut à l'évidence une mauvaise idée. Comment une personne comme elle, urbaine, pouvait espérer survivre dans un pays hostile et rude ? Seuls les endurcis le pouvaient. Ses poursuivants la rattrapaient inexorablement, autant que les bruits de sabots et les violents coups de masse d'arme. La princesse s'arrêta et regarda derrière : les brigands étaient à terre, certains à moitié morts. Une patrouille de chevaliers était venue. Le capitaine descendit et s'approcha, baragouinant quelque chose d’incompréhensible. Essayant de se faire comprendre, il désigna l'agresseur du doigt en grognant. Était-ce lui ? Teodora opina. Le chef releva alors l'accusé et sans cligner lui transperça la bedaine, déversant ses tripes sanguinolentes un peu partout. La princesse hellène se sentit faible et tourna aussitôt de l’œil. Un chevalier la rattrapa, avant de la poser sur le dos de son cheval et de la conduire au château du Jarl de Fúinntönn. Quant aux brigands, ils furent tous passés par l'épée, la taverne ravagée puis entièrement brûlée, et le tavernier et sa femme, pendues tout deux à un arbre. Les prostitués furent graciées et envoyées vers l’hôtel-Dieu le plus proche. Sans doute mourraient-elles bientôt de la grande vérole [Syphilis]...

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L'or Jernlander.
11 août 2011,

Le matin du 10 août, un chariot protégé par dix cavaliers, quinze fantassins et autant d'arbalétriers, passa les portes du château de Meltorfahamarr et attira tous les gens dans la basse cour, y compris la Suzeraine. C'est alors que l'ambassadeur Jernlander débuta une mise en scène grandiose. Vêtu d'un gracieux pourpoint vert olive brodé de fins motifs d'or, celui-ci n'eut de cesse que de remercier Marie pour sa généreuse hospitalité et sa protection. Prit dans l'élan de sa propre éloquence, il glorifia dévotement la chevalerie et l'esprit chevaleresque, rendit un hommage appuyé à l'abnégation et à la grandeur paysanne, soulignant enfin avec ferveur qu'il n'existait qu'une seule vraie Foi et qu'une seule vraie Église : catholique, apostolique et romane. Le reste n'étant qu'hérésies, schismes et sectes soit disant chrétiennes. Il monta enfin l'homme norrois au pinacle, ascétique, héroïque, aguerri et glorieux, l'opposé même de l'homme latin décadent et ramolli, « Ragr » bedonnant, allongé et bouffeur de raisins. Il nota pour conclure que son pays était un protecteur généreux, avant d'ouvrir un coffre et d'en laisser l'éclat émerveiller la foule. Ce n'était pas tous les jours que l'on voyait vingt-deux livres d'or ! Erik Vindheim fit indubitablement forte impression, sauf auprès du Chancelier et des Westréens qui virent clair dans son jeu. Un vantard, un simple vantard ! Le don venait toutefois à point nommé, alors que les coffres royaux étaient presque vides. L'or sera, progressivement et en petites quantités, acheminé vers la forge d'Alrekr Sans Oreilles pour en faire de la monnaie.

Fenêtre sur le Thorval Viking_smith_house
La chaumière d'Alrekr Sans Oreilles, le forgeron qui produira bientôt une fortune en pièce d'or.

A quoi allait être alloués les quelques 4800 Skjaldgull (Boucliers d'or, monnaie) que la Reine recevrait bientôt ? La chose fut débattue toute la journée du lendemain, en audiences publiques, dans la Salle de la Cathèdre. Ainsi, une part servira à rénover la charpente du château et à entretenir la garnison afin qu'elle soit moins tentée par le pillage lors des prochaines guerres. Le reste servira non seulement à bâtir un moulin fluvial à Járnshjálmr, Strǫndgætir et Saincte-Grettir, mais aussi à assécher les marais de Mindriland pour y faire pousser du blé, à fonder un Hôtel-Dieu à Toptavöllr et à Aurvangr (avec legs de terre), ainsi qu'un monastère dédié à la Vierge dans le Herfiligrland (avec legs de terre). La Reine couvrira les dépenses de mariage d'une demi-douzaine de ses valets, payera les dettes de ses paysans auprès des forgerons de la région et effacera leur immense ardoise auprès des tavernes voisines. Elle donnera également quelques Skjaldgull à des clans mineurs, essentiellement afin de remplacer leurs truies mortes ou vieillissantes. Enfin, un don substantiel sera effectué à Jensgård sur les bons conseils du Chancelier. Au final, Marie allait se conduire comme d'habitude : dépenser sans compter, son Intendant s'en arrachant les cheveux tout en piochant lui même discrètement dans le coffre.

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La vie au milieu des champs (7).
20 août 2011,


Fenêtre sur le Thorval Screenshot_2020-03-17-640px-2005-09_Bialowieski_Park_Narodowy_3-jpg-Image-JPEG-640--480-pixels
Le groupe de paysans se rendait en la forêt de Mestheilagr.

Aujourd'hui, Bívǫrr et ses cousins Gunnarr et Hálfdanr, du clan Mǫrðring, étaient chargés par la BóndiÞing de ramener du bois pour le village en vue du prochain hiver. Autrement dit, une tâche qui les occupera probablement toute la journée. Ils arrivèrent à la lisière de Mestheilagr, située à 1 lieue de leur foyer, sous la fraiche rosée du matin. La forêt arborait une flore mixte, mêlant notamment chênes, hêtres, épicéas et ormes. La canopée renfermait par ailleurs un sous-bois touffu et riche composé de plantes, d'herbes, de fougères, de bois morts, de points d'eau, de champignons et de rochers. Une forêt profonde aux sentiers étroits dans laquelle il fallait se faufiler et prendre garde au dénivelé. Divers animaux y vivaient tels que des cerfs, des sangliers et des oiseaux. Une forêt sauvage exploitée aux simples besoins vivriers et médicinaux des Hommes ; la chasse, la pêche et la cueillette étant part intégrante de la subsistance des Thorvalois, quelque soit le rang. Ce n'était donc pas un lieu naturel primaire bien que l'empreinte y fut minimale.

Les seigneurs chassaient également leurs nourritures. Au moins autant que pour s'entretenir physiquement et montrer leurs compétences martiales. A cet effet, rien de mieux que la chasse au sanglier ou à l'ours, toute deux se déroulant à la lance et en un contre un avec l'animal. Les accidents et les morts étaient nombreux mais y avait-il sensation plus exultante que de vaincre une bête dangereuse, féroce et forte en ayant soit-même frôlé le trépas ? En revanche, la pratique pour le plaisir et le divertissement était méprisée, voir haït, et considérée comme une décadence de l'Occident dominé par le Veau d'Or et les gens du bourg. Étant donné son importance vivrière, la chasse ne devint jamais un privilège, disposition anti-traditionnelle et anti-coutumière, permettant aux paysans de chasser aussi bien le petit que le grand gibier.

Après une journée de labeurs, le soleil n'allait pas tarder à se coucher. Les paysans enroulèrent le bois amassé dans une fourrure brute, le mirent sur les épaules et levèrent le camps. Hálfdanr avait également profité de l'après-midi pour traquer le gibier et trainait un faisan, trois écureuils et deux tourterelles à la ceinture. Chacun en avait l'eau à la bouche et se délectait déjà des soupes, des ragoûts et des pâtés qu'on en ferait...

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La vie au milieu des champs (8 ).
26 août 2011,


Fenêtre sur le Thorval BondiTing
L'assemblée paysanne de Sainct-Dúfr délibérant sur l'édit.

Quelques jours avant les célébrations de la mi-août, le Jarl Hróarr VI de Fyrisvallarna, tenant la cour en son château d'Hellusteinn, fit crier un édit souhaitant rendre obligatoire l'ancestral Verrgjald pour les faides et les guerres privées claniques ou féodales. Le seigneur désirait ainsi pacifier son fief qui était régulièrement dévasté par les affrontements, les luttes et les pillages. Le Verrgjald était une amende qu'un homme recevait en réparation d'une personne s'étant rendue coupable d'un meurtre ou d'un autre crime sévère. La chose se retrouvait principalement dans les anciennes civilisations germanique et norroise.

Dans le Fyrisvallarna, la coutume annonçait les prix suivants à propos du Verrgjald :

Meurtre d'un Chef ou d'une Cheftaine de clan : cinq porcs engraissés
Meurtre d'un Père ou d'une Mère : trois porcs engraissés
Meurtre d'un homme ou d'une femme : un porc engraissé
Meurtre d'un garçon ou d'une fille : un pourceau
Arrachage des yeux : deux livres de grain (un œil), quatre livres de grain (les deux)
Arrachage du nez : trois tonneaux de bière
Arrachage des mains : deux chevaux (main droite), un cheval (main gauche)
Arrachage des pieds : deux vaches

etc.

Cependant, Hróarr VI rencontrait l'opposition de ses vassaux, qui furent tenus à l'écart, et de ses paysans. Ainsi, dix des douze BóndiÞing rejetèrent le texte pour violation des coutumes sur la vengeance. Le fief sombrait dans l’impasse. Les tentatives afin de pacifier la société hostile du royaume ne manquèrent pas mais furent, comme à Fyrisvallarna, de constants échecs.

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La Byzantine (2).
3 septembre 2011,

Le premier jour, encore brumeuse, un drôle d'homme vint voir Teodora dans sa chambre. Ce dernier maitrisait... le vieux grec. Ce n'était pas idéal mais la femme pu lui donner son nom (Comnène) et sa qualité d'héritière de la couronne impériale d'Orient. Depuis, elle y fut littéralement abandonnée, ne pouvant sortir et ne recevant pas la moindre visite, si ce n'était celles de valets lui apportant ses repas : beaucoup de soupes, de tourtes, de poissons et de fromages. Néanmoins, aucun parmi eux ne lui adressait la parole ou n'en avait le droit. Ils semblaient, de toute façon, ne pas comprendre sa langue. De taille modeste, la pièce contenait un lit, caisse de bois recouverte d'un matelas bourré de duvet d'oie, et un coffre pour le rangement des affaires. Des fresques sur les murs illustraient des scènes bibliques mais aussi des batailles et d'obscurs évènements mythologiques. Enfin, une petite cheminée en pierre taillée de granite sombre faisait face à sa couche. Le linteau portait une sorte de blason, probablement celui du Jarl castral. Au début, Teodora tenta bien d'appeler, de rappeler son rang et de tambouriner la porte. Elle s'y attela des heures durant, plusieurs jours de suite, mais rien n'y fit. Réconciliée avec sa situation de prisonnière, elle passa ensuite le plus clair de son temps à faire les cent pas et à dormir. On lui apporta quelques livres mais à moins de maitriser le vieux-thorvalois et d'avoir des notions en paléographie, il était absolument impossible de saisir quoi que ce soit, si ce n'est à contempler les enluminures florales. Ainsi enfermée, elle perdit totalement la notion du temps et n'eut pas conscience qu'un mois était passé. Le matin du 3 septembre, un petit homme (le même que le premier jour ?) en cotte noire et chaperon doublé de fourrure se présenta, lui demandant en vieux grec de s'habiller et de le suivre. Soulagée, la byzantine s’exécuta sans coup férir. Après la descente d'un escalier en colimaçon sinueux sans fin, et la traverse d'une cour, ils arrivèrent finalement dans le Grand Hall où le Jarl de Fúinntönn les attendaient. Gylfi III salua la dame d'un baise-main et l'invita à s'assoir. L'homme était d'un certain âge, comme en témoignait autant sa barbe que sa longue chevelure grisonnante, et portait un surcot bleu truffé de passements norrois. On lui amena une aiguière pour le lavage des mains avant qu'une vague de servants ne déferle avec les plats. La princesse scruta autour d'elle : si les victuailles ne manquaient guère, en revanche, toujours aucun couvert à l'horizon. Le Jarl avait, quant à lui, déjà entamé la viande avec les doigts et mangeait comme un porc, sans la moindre grâce.

Avec l'aide précieuse de l'érudit, un semblant de conservation put commencer. Le seigneur tint tout d'abord à s'excuser auprès de la princesse et à lui expliquer que sa mise sous résidence surveillée eut pour seul but que d'assurer sa protection. Évidemment, le féodal mentait. En vérité, dès qu'il su à propos de ses prestigieuses origines, le sauvetage de Teodora se transforma en rapt. Souhaitant la marier, Gylfi III essaya alors d’obtenir la nullité de son mariage. L'abbé-mitré Lars III, de l’Abbaye Nostre-Dame des Prés, s'y refusa et lui promit les éternelles flammes de l'Enfer s'il venait à répudier sa femme. Les autres mitrés ne firent guère mieux. Le nobliau tenta par ailleurs d'entrer en contact avec le Pape mais des rumeurs contradictoires affirmaient que le Saint Père était prisonnier de l'Empereur ou que le Siège était vacant depuis des mois. Au final, les renversements d'alliance et les intrigues rendirent les noces byzantines inintéressantes ; Gylfi III était même prêt à la laisser partir. Au fur et à mesure du repas, celui-ci parlait de plus en plus fort et se bidonnait sans fin. Complètement saoul, il avala une dernière chope avant de s'effondrer de chaise et de ronfler à même le sol. Qu'à cela ne tienne, il promit à Teodora non seulement de la libérer mais aussi de lui confier deux gardes pour sa protection. La Valdaque ne se fit dès lors pas prier : elle rassembla ses affaires et quitta le château de Fúinntönn sous bonne escorte le lendemain matin.

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La Byzantine (3).
22 septembre 2011,

Teodora fila du domaine de Fúinntönn aux aurores du 4 septembre en compagnie de ses gardes (deux) et de Karlungr, son érudit qui maitrisait le grec ancien. Ils chevauchèrent ensemble plusieurs jours d'affilés sur les grands plateaux du Lettahǫfn. Plats au nord-est, ceux-ci se tapissaient d'abondantes tourbières et de marécages. Au delà, le paysage laissait place à d'importants vallonnements couverts de landes et de massifs forestiers. La région abritait enfin une myriade de hauts tertres. Le spectacle intrigua la jeune femme qui sonda le savant : étaient-ce des sépultures ? Karlungr acquiesça et répondit que de très vieux os reposaient dans ces tumulus. Teodora trouva le spectacle fascinant. De peuplement assez éparse et rare, les villages étaient très éloignés les uns des autres, et situés systématiquement à quelques pas d'un château ou d'une église. Malgré ses quelques recherches, la byzantine échoua à trouver un culte Orthodoxe. A la place, elle découvrit, un soir, le catholicisme local. Le cœur de la messe était le même qu'ailleurs dans la catholicité, cependant, les chants liturgiques et les célébrations s'effectuaient en vieux-thorvalois. Par ailleurs, le « Propre » (prières, gestes rituels, lectures...) se différenciait à bien des égards, au même titre que les calendriers liturgiques qui comptaient des fêtes chrétiennes teintées de paganisme, ainsi que des saints régionaux ou locaux parfois peu conformes et inconnus en Occident. En outre, le rite disposait de cérémonies dédiées à la consécration d'arbres, de rochers, de rivières... Historiquement, le clergé thorvalois fit valoir l’ancienneté (plus de 200 ans) de son rite catholique, et échappa ainsi aux réformes liturgiques papales du XVIe et celles de tout les siècles suivants.

Depuis le départ, Teodora cherchait à créer des relations avec la noblesse et cela ne fut pas de tout repos. Trois châteaux refusèrent de lui ouvrir, par méfiance des étrangers, quand un autre seigneur accepta de l'entendre uniquement pour lui rire à la figure et la balancer aussitôt dehors. A la forteresse de Kumbland, une paysanne revêche et antipathique lui referma violemment le judas sur les doigts. Teodora se crispa et en cria de douleurs. Doué de sapience, Karlungr s'attela aussitôt aux pansement du membre meurtri de sa maitresse. Reprenant la route, le groupe s'arrêta quelques lieues plus loin au château d'Höfuðstaðr. Ils y demandèrent audience au Jarl avant d'être conduit au Grand Hall. Le seigneur Knútr VIII s'y trouvait : c'était un homme jovial aux longs cheveux froment. Il portait une tunique de teinte sombre, vieillie et abimée, au col et aux manches bardés de fourrures. Une cape de laine grise, fixée par une broche argentée en forme d'ours, lui flattait les épaules. Mais surtout, le Jarl était terriblement gros : à l'évidence l'homme ne pouvait guère plus monter à cheval et encore moins se battre. Après un court échange, Teodora offrit ses services au seigneur, la Foi et l'Hommage. Knútr VIII se gratta alors le menton et la regarda fixement dans les yeux. Au final, le gaillard accepta d'un rire gargantuesque sous les clameurs de l'assemblée et des galeries pleine de monde. C'est alors que la femme s'avança et mit un genoux en terre. Elle prêta ensuite serment, avec l'aide de son érudit, selon la formule coutumière : « Feal estre a Knútr li Grant et Dieu je jure ». A ce moment, le nobliau renferma ses mains sur les siennes, la releva et l'embrassa langoureusement sur le front. La Valdaque était désormais son vassal et recevrait le domaine de Ginnheilagrbjǫð. Knútr VIII retrouva aussitôt sa cathèdre, provoquant un léger tremblement de terre, et annonça un banquet pour célébrer la chose. Ce soir là, la byzantine n'avait jamais si bien mangé ou dormit depuis son arrivée dans le royaume. Toute fraiche et heureuse, elle prit la route le lendemain avec ses gens et rejoignit son fief au cours de l'après-midi. Celui-ci couvrait quelques trois cent arpents, comprenait un village, un bois, un moulin, une prairie et des soles de blés. Le château seigneurial parut petit et rustique au goût de la femme, mais suffirait certainement.  

Fenêtre sur le Thorval Ginnheilagrbjd
La nouvelle demeure de la byzantine...

L'édifice trônait sur un tertre et arborait une double enceinte de pierre. Celle-ci renfermait un donjon dans lequel se trouvait au moins une chambrelle, une salle de banquet, une armurerie et un cellier. En somme, le principal lieu de vie. La cour intérieure, dont le sol n'était guère pavé, présentait plusieurs petits bâtiments dont une cuisine, un cellier, une écurie, une porcherie et une bergerie. Évidement, il n'y vivait guère plus aucun animal, seulement des litières de paille et des excréments. L'ensemble n'était toutefois pas en mauvais état. Teodora convoqua quelques paysans afin de déblayer, faire des provisions et, in fine, proposer à ces derniers de travailler continuellement au château en échange du gîte et du couvert. Ceux-ci acceptèrent sans broncher, même plutôt heureux. Le surlendemain, un coffre fut déposé dans la salle de banquet. Peu méfiante, la dame l'ouvrit avant de reculer d'effroi. Un profond frisson lui parcourra l'échine et pour cause : le contenant contenait un mot, ainsi que... la tête de Karlungr. Le savant était partit la veille à la recherche de plantes et n'était pas revenu... La femme tendit la missive à ses gardes mais aucun d'eux ne savait lire. Ils en déduisirent toutefois rapidement la situation et firent passer le message en mimant avec leurs haches, tout en prononçant le mot fatidique « Striith » (guerre en vieux-thorvalois). En effet, le Jarl de Eyrrheimr, également vassal de Knútr VIII, venait de déclarer la guerre à la Valdaque, Dame de Ginnheilagrbjǫð. Néanmoins, peu de chance que le malotru ne s'y risquât maintenant, il attendra surement le printemps. A peine sur son trône, Teodora courrait déjà un grave danger. Au delà de l'hostilité des féodaux pour la nouvelle venue, elle devait se préparer en vue de la saison morte. Sinon, dépourvue de clan, de paroisse, d'assise et ayant aucun vrai groupe sur lequel s'appuyer, elle risquait de ne pas passer l'hiver. Elle devait à tout prix se faire connaître : la société féodale et traditionnelle était impitoyable vis à vis des inconnus et des solitaires. Au final, Ginnheilagrbjǫð n'était-il pas un cadeau empoisonné ? Un domaine indéfendable ? Être seigneur était une chose, encore fallait-il s'y maintenir.

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Ancienne rivalité (3).
26 septembre 2011,


Fenêtre sur le Thorval WGqdy
Le château de Meltorfahamarr qui accueillait temporairement la cour royale, jusqu'à la prochaine itinérance.

Cinq mois, jour pour jour, étaient passés depuis l'ajournement du duel qui devait opposer la Reine au Jarl Ragnarr III. La jambe du belliqueux seigneur avait désormais complètement guérie et c'est ainsi qu'il se montra au château de Meltorfahamarr accompagné de ses guerriers et en pleine possession de ses moyens. Ces derniers s'installèrent dans un camps, en contrebas du fort : les tensions entre les deux clans étaient si grandes et si ancrées qu'il valait mieux rester séparés. Ragnarr III salua Marie en se plaignant de ses constants changements d'endroits, ce a quoi la dame répondit que c'était le principe même d'une cour itinérante. Ce fut à ce moment précis que certains du clan royal prirent peur : l'adversaire était ample et vigoureux, Marie avait peut-être eu tord de l'insulter... et de le ré-insulter quand celui-ci lui offrit sa magnanimité... Son acte ne fut toutefois pas déclencheur mais seulement l'un des innombrables symptômes d'une rivalité sanglante remontant au XIIIe siècle.

Les deux parties se réunirent sur la vallée de Forlǫg. Celle-ci comptait trois villages, foyers de neuf clans bergers. Le toit des maisons était en chaume et la structure en bois. La porte des étables se tapissait de chauve-souris clouées afin de conjurer le mauvais sort et de chasser les démons. Au total, les habitants de Forlǫg élevaient deux cent quatre-vingt moutons ou chèvres, et avaient une réputation de durs en se vêtant des peaux de leurs troupeaux. Férus d'action, ils se massèrent autour du cercle sacré, parmi les gens de Marie et de Ragnarr III. Ainsi, au moins trois cent personnes promettaient d'assister au combat. Sans autres formes d'amabilités ou de politesses, l'arbitre rappela d'abord les règles (victoire au premier sang ; le perdant sera marqué au fer du sceau infamant des Skógarmaðr. Bannit, il devra errer éternellement dans la nature à l'écart des hommes), avant d'intimer les duellistes de s'affronter avec force, honneur et courage. Quittant ensuite le champs, il abaissa lentement le bras et lança officiellement les hostilités.

L'épée du Jarl possédait trois lobes (pommeau), celui de la Reine cinq, avec des entrelacs gravés sur la garde. Pour l'heure, chacun se déplaçait de façon circulaire et épiait l'autre. Ragnarr approcha et enclencha une taille  que son adversaire esquiva d'un mouvement de recul. Le seigneur frappa à nouveau mais Marie repoussa, cette fois, avec son épée et contre-attaqua. Un échange de coups, rapides et intenses, s'enclencha. La Reine semblait y tenir l'avantage tandis que le Jarl se défendait et paraissait parfois en difficultés. Profitant d'un léger déséquilibre, la suzeraine envoya une haute attaque de taille mais Ragnarr III se baissa et lui rendit l'appareil d'une gauche dans la figure. La Reine bascula vers l'arrière, sentant le goût du sang, et s'empressa d'habilement dissimuler le petit liseré sur sa lèvre blessée. Saisissant l'occasion, le seigneur lança une dangereuse attaque d'estoc. L'homme rata de peu, Marie effectuant un saut latéral qui la sauva in-extrémiste. L'échange féroce repris, chacun rendant coup pour coup. Cette fois, Ragnarr semblait tenir l'avantage pendant que son ennemie bougeait, parait et faisait le dos rond. Au final, le duel se rééquilibra par l'endurance. Le cliquetis des épées s'entrechoquant se succédaient sous les clameurs d'une foule à la fois émerveillée et tendue. Alors que la lutte acharnée se poursuivait, personne ne lâchant, le Jarl nargua la Reine, disant ne plus reconnaître la petite enfant apeurée prisonnière en son donjon ! Qu'elle était, avec le temps, devenue une succulente guerrière brave et capable, de renom même ! Et que, in fine, mieux aurait-il valu la tuer que de la rendre à son père ! A ce moment, Marie et Ragnarr s'étaient bloqués et se tenaient face contre face. L'homme sourit et lui assena un coup de boule. La dame perdit son épée et chancela sur trois bons pieds. Elle porta alors la main au nez... et souffla aussitôt de soulagement : ouf pas de liquide rouge ! Ces duels au premier sang étaient décidément pires que les mises à mort. A peine eut-elle le temps de se retourner que le seigneur l'agrippa violemment, plaça ses gros bras autour de son corps, la souleva et serra. N'ayant plus pied, Marie ressentit une intense douleur aux côtes et au dos. Au sein du public, les hommes du clan protestèrent mais on les empêcha de pénétrer le cercle sacré. En position de force, le Jarl intima à la suzeraine d'abandonner, mais celle-ci refusa. Elle se mit à remuer, remuer et encore remuer. Le seigneur se concentra et tint bon, bien que faiblissant... Dans un dernier effort, la Reine amena sa tête au niveau du trapèze (muscle), non protégé par l'armure en maille, et y mordit à pleine dent. Ragnarr grogna et lâcha l'emprise. Il mit un genoux en terre et tomba sur le dos. Le sang coulait abondamment tandis que Marie, crachant les morceaux de chair, se relevait difficilement. Un prêtre physicien vint au chevet du seigneur qui se vidait littéralement. Le curé ne pouvait, hélas, faire que peu de chose en ces conditions. La Reine l'écarta doucement et présenta à Ragnarr son épée à trois lobes, la posant sur son torse et l'a lui faisant agripper des deux mains. Ce dernier l'a remercia et lui demanda le « pardonement ». Le prêtre s'attela ensuite à lui prodiguer rapidement les derniers sacrements... avant que le mourant n'expie enfin et ne rende définitivement l'âme.

La foule exulta et les gens coururent entourer la Reine, poussant des cris de joie, chantant à sa gloire, l'agrippant et l'enlaçant vigoureusement. Une affection qu'elle rendit à tous, bien qu'épuisée et les lèvres toujours maculées du sang de son ancien grand ennemi. Après quelques minutes, les guerriers de feu Ragnarr, hésitants, se présentèrent à elle et proposèrent de lui prêter serment. La Reine les remercia mais appela chacun à retourner à Suðrvindr pour y servir leur maitresse légitime Gisela. Celle-ci était toutefois attendue à Meltorfahamarr, d'ici à la Sainct André (30 novembre), en vue de la Foi et Hommage. En effet, la féauté étant un engagement individuel, l’héritier ou l'héritière devait systématiquement la renouveler à la mort de son parent. C'était à cette occasion que devait d'ailleurs être annoncée l'alliance des deux dames, conclut secrètement en 2010, prévoyant une future union arrangée entre Gisela, nouvelle Jarl des riches terres d'Haguigarðr, et le seigneur Biólfr d'Ellriland, cousin de Marie III !

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La vie au milieu des champs (9).
7 octobre 2011,


Fenêtre sur le Thorval 82pW7
La vie trépidante de Freyja, semi-sauvage semi-domestique, ici près d'un hêtre.

Après un temps doux et infini dans les bras de Morphée, Freyja ouvrit finalement ses yeux en amandes. Elle était de retour dans sa litière, près du feu, et s'étira longuement avant d'approcher l'une de ses tenancières qui s'affairait au chaudron. Guettant ses moindres gestes, Freyja réclama poliment de ce délicieux fumet. Ne percevant aucune réaction, elle insista, plusieurs minutes durant, jusqu'à ce que la petite paysanne, dont elle appréciait les caresses et la présence, ne daigna enfin donner un coup de cuillère en sa direction. Le ragoût tomba sur la paille et la terre battue. S'en léchant les babines, Freyja en dégusta gracieusement les morceaux et se régala. Qu'était-ce bien celà ? Du bon fond de viande et de la délicieuse volaille ! En revanche, la féline laissa les débris de choux et de carottes. Beurk !

Alors que le soleil n'allait pas tarder à se coucher, celle qui était la maitresse de la chaumière ressentit le besoin vital et instinctif de sortir. Là, elle croisa d'autres tenanciers. Certains étaient hauts et portaient une longue crinière claire sur la tête, d'autres étaient bas et grassouillets, au moins aussi fragiles que ses chatons sur le point de naitre. Freyja s'aventura dans les bois, où elle venait chaque jour à l'aube et au crépuscule afin de se tapir dans l'ombre, se mouvoir discrètement, épier sa proie, jouer avec elle, la tuer et peut être la manger. Ce jour là, la féline fit un tombereau de malheureux parmi les clans de rongeurs et de petits oiseaux.

En revenant de sa promenade, elle passa devant un bâtiment en pierre où elle et ses tenanciers se réunissaient souvent pour manger de menues rondelles de pain. Une drôle de statue s'y trouvait près de l'entrée et représentait une femme accompagnée de chats. Avant de rejoindre sa demeure, Freyja tomba sur quelque uns de ses pairs. Il y en avait pour tous les goûts et de toutes les couleurs : robes blanches, bleues, tigrées et marrons, rousses tigrées et blanches, écailles de tortue tigrée et blanche, noires avec tâches blanches, etc. Cependant, aucune n'arborait de teints entièrement noirs. Ces dernières avaient presque complètement disparu lors d'anciennes jacqueries et ne subsistaient qu'au sein de forêts très profondes où Freyja n'osait se rendre. Cela était, du moins, l'histoire que lui narra sa Mère, qui l'avait reçue de sa propre Mère, et ainsi de suite. Passant la porte, la chatte vit que ses bons et gentils tenanciers dormaient. Elle sauta sur le grand lit bardé de laine, se posa sur la panse d'un paysan et s'assoupit au chaud parmi les siens.

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Les beaux damoiseaux (1).
13 octobre 2011,


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Vu sur la basse cour du château de Meltorfahamarr, ici la forge.

Malgré un ciel d'automne maussade, la vie au château de Meltorfahamarr était toujours aussi animée. Des paysans s'attelaient à entreposer des sacs de blé au sein du cellier tandis qu'une paysanne y accrochait une demi-dizaine de gousses d'ail. Là se trouvait également des meules de fromage et divers paniers de carottes, de navets, de panais, de choux, de pois secs ect. La constitution de réserves pour l'hiver ou d'un éventuel siège avançait à bonne allure. Pendant ce temps, un groupe de dix enfants, futurs chevaliers, s'entrainaient à l'épée, alors que la hache de Valki le « Bochier » s'abattit lourdement sur un bœuf. L'homme en commença ensuite le dépeçage et le découpage en gros morceaux. Aussitôt, une énorme marre de sang et de viscères se déversa sur le sol de la cour castrale. Tous le monde était occupé, à l'exception de la forge, désespéramment éteinte depuis trois jours. Malade et alité, le forgeron souffrait de fièvres. Sinon, à l'extérieur de la forteresse, en cette région de contreforts, les villageois semaient du seigle sur les vallées, seule céréale qui poussait à cette altitude. Au nord du Royaume, les basses terres, vallonnées et parsemées de collines, étaient quant à elles emblavées de méteils (deux céréales) avec un large avantage pour le seigle qui s'y adaptait mieux. Au sud, c'était l'inverse avec davantage de froment, bien que le seigle y demeurait important en particulier sur les sols moyennement fertiles.

Dans la salle de la Cathèdre, les damoiseaux défilaient devant Marie. Il en venait des quatre coins du monde thorvalois, de la plus humble à la plus glorieuse des mesnies seigneuriales. Avachie sur son siège, la Reine s'ennuyait à mourir et ne faisait rien pour le cacher. Aucun des hommes ne lui plaisait et c'était sans entrain qu'elle se pliait à cette obligation. Elle ne souhaitait à l'évidence pas se remarier, du moins pas si tôt en son veuvage. Toutefois, la politique n'attendait pas et sa Mère lui fit vite comprendre qu'une personne de son rang ne pouvait rester longtemps sans roi. Ainsi, plusieurs dizaines de prétendants se présentèrent, parmi eux des ainés et parfois des puinés. Beaucoup étaient forts, hargneux, impétueux et déjà balafrés, de vrais guerriers ! D'autres, en revanche, se montraient plus timides et paraissaient n'avoir jamais combattu. C'est eux qui furent les plus impressionnés par la Reine qui, à la place d'un bliaud, arborait un gambison par dessous un haubert en cotte de maille et un saisissant tabar rouge flanqué de l'ours royal. Une ceinture de cuir lui ceinturait la taille où figurait également son épée à cinq lobes. Alors qu'un nouveau prétendant prenait la parole, un soudain et lointain son de cloche retentit. Troublée, Marie l'interrompit : « Shhh, Oy, oy, oy... » dit-elle en tendant l'oreille «... li tocsin di saincte-Lúcía ! o seignor n'en desplaise ! ». Murmures et confusions envahirent la salle. Bondissant de son siège, Marie s'excusa auprès de ses invités et fila à toute allure avec ses chevaliers en direction des écuries. Quelqu'un s'en prenait au village Saincte-Lúcía. Qui cela pouvait-il être ? Le Jarl de Meginland ? Ou celui de Síðastrheimr ?

Arrivant aux galeries extérieures, ils descendirent les escaliers et déboulèrent littéralement au sein de la basse cour « Place ! Place ! » cria un combattant. Les hommes qui suivaient Marie faisaient au moins une tête de plus qu'elle et le sol tremblait sous leurs pas. Pris dans leur élan, ils ne virent pas un jeune paysan d'environ 20 ans. Ne pouvant s'écarter à temps, le pauvre se prit l'épaule d'Hrolleifr et tomba lourdement. Soupirant, le chevalier le releva par la tunique aussi facilement qu'un chaton de trois jours. La suzeraine remarqua la scène et s’immobilisa : « Ja mais icelieu n’iert veirs eu. Ti clain, cui sunt ? » demanda-t-elle au garçon. « Lofarr, nies al bochier Alrekr, Marie Reyne. » se présenta-t-il en hésitant. Marie le regarda un instant et opina du chef, aimant connaître l'ensemble des habitants du château, y compris les nouveaux venus. Elle enfourcha ensuite son destrier et, en compagnie de ses hommes, fila pour secourir le village attaqué.

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Les beaux damoiseaux (2).
13 octobre 2011, suite

Le fantassin tomba hors de la précieuse charrette et sa tête roula par terre, traçant, dans son sillage, un macabre chemin sanglant. Quelques instants plus tôt, il s'attelait à charger le butin pendant que ses comparses pénétraient dans les maisons, profanaient l'église paroissiale, pourchassaient les femmes, prenaient le bétail et terrorisaient les villageois. Plusieurs des humbles avaient déjà perdu la vie quand lui-même mourut. L'homme eut juste le temps de se retourner et d'apercevoir l'immense lame lui trancher la nuque. C'était la Reine qui porta ce premier coup, avant d'aller vers les chaumières et de transpercer, cette fois au torse, un deuxième fantassin. Ses hommes se chargèrent, eux, de ce qu'il restait de piétaille, à la fois surprise et impuissante. La bataille, néanmoins, se poursuivait : Marie ordonna de trouver les chevaliers et de ne faire aucun quartier ! Les guerriers obéirent alors qu'elle-même se lança à la recherche de celui dont les soudards portaient les couleurs : le Jarl de Síðastrheimr, un seigneur remuant et cruel, intrigueur et félon mais surtout, extrêmement violent, y compris pour les mœurs Thorvaloises. En chemin, la dame tomba sur des paysans qui fuyaient. Elle les rassura, disant de ne plus craindre, et leur demanda de mettre la charrette à butin à l'abri. En effet, outre quelques peaux et un crucifix de bronze, cette dernière contenait une partie de la dernière moisson villageoise. Il ne fallait surtout pas qu'elle leur échappe, perdre le grain serait catastrophique ! Reprenant ses fouilles, Marie croisa de nouveaux villageois, des paysannes avec leurs enfants se cachant au sein d'une étable. Elle leur conseilla de se réfugier dans la forêt où ils seraient, temporairement, plus en sécurité. « Sandulfr ! » appela-t-elle ensuite « misérable alvéopyge, mostre ti ! ». Ce jeu du chat et de la souris commençait doucement à l'énerver lorsque soudain, l'individu sortit d'une chaumière, la hache à la main.

Fenêtre sur le Thorval Sandulfr
Sandulfr le Noir, sortant de sa tannière

Son regard terrible transpercerait n'importe qui. La suzeraine eut peur mais garda courage. « Es mei, fillote. En guard ! » grogna-t-il, défiant la dame à quitter sa scelle et à l'affronter en un contre un. Marie sourit et préféra se moquer, se demandant où bien pouvait être son destrier, indiquant par ailleurs qu'il serait stupide de venir se battre sur son terrain. « Couarde ! Couarde » cracha Sandulfr qui venait de jouer sa dernière carte. Il prit alors la poudre d'escampette et couru comme un beau diable. Toutefois, rien n'y fit. Rapidement, le seigneur sentit les sabots se rapprocher et le souffle du cheval royal lui caresser les cheveux. Marie serait bientôt à portée pour l'occire. Dans la force du désespoir, le Jarl s'engagea brutalement sur la droite, se faufilant entre deux chaumières. Cependant, un coup de masse le sécha nette. Arrivant en sens opposé, à la recherche de la Reine, le chevalier Fornjótr frappa presque instinctivement. Heureusement que cela n'avait pas été un paysan... A demi-conscient et ensanglanté, Sandulfr gisait désormais au sol. La dernière chose qu'il vit fut le visage de la Reine et son épée se loger en plein cœur.

Longtemps après, la Reine et sa troupe de fidèles revinrent à Meltorfahamarr. Ce fut une bonne expédition : la mesnie rebelle était décapitée, ses membres en fuite et le village de Saincte-Lúcía sain et sauf. Alors qu'elle descendait de scelle, Lofarr, le garçon bousculé à l'allée, prit soin de son cheval. « li, uncore ? » pensa Marie. Un garçon d'écurie, donc.

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La Byzantine (4).
23 octobre 2011,

Fenêtre sur le Thorval Moine-Sig
Piller de la Byzantine, le moine Sigurðr se démenait pour la soutenir. Ici dans la crypte de son monastère.  

Suivant la déclaration de guerre du Jarl Hróðbjartr VI, Teodora, désormais Dame de Ginnheilagrbjǫð, trouva de l'aide auprès des religieux du monastère Sanct Stefán à Hilmirskǫmm. Grâce à l'érudition du Frère Sigurðr, elle présenta une missive à son adversaire afin d'organiser une conciliation de paix. La réponse se fit attendre et n'arriva qu'un mois plus tard, en ce 23 octobre 2011. Celle-ci n'était, malheureusement, pas porteuse de bonnes nouvelles et confirmait au contraire la détermination d'Hróðbjartr de croiser le fer aux premières lueurs du printemps. La déception pouvait se lire sur le visage de Teodora qui avait au moins espéré retarder l'échéance. Heureusement, elle ne s'était, entre-temps, pas tournée les pouces. La présence du Frère Sigurðr, sur lequel la Byzantine comptait de plus en plus, lui permit de réaliser de grandes choses.

En premier lieu, le monastère lui fit don d'une partie de ses surplus de provisions afin de ne pas mourir de faim durant l'hiver. Le cellier était dorénavant bien remplis, de même que les réserves de bois grâce, cette fois, à la dévotion de ses paysans ! Par ailleurs, le monastère promit, si Dieu l'entendait, de mettre certains des frères-lais (ayant le statut de serfs) au service de Teodora afin de cultiver sa Réserve seigneuriale, s'étendant sur environ trois arpents et laissée à l'abandon depuis des décennies. Ne ménageant pas ses efforts, le Frère Sigurðr lui trouva aussi un maitre d'arme, avant de l'introduire auprès de Mýrún, une excellente forgeronne à laquelle elle commanda épée et armure. A terme, la Valdaque espérait que son talent lui permette de battre monnaie. Enfin, depuis peu, Teodora se rendait deux fois par semaine au scriptorium pour y apprendre le vieux thorvalois, du moins la variété parlée à Ginnheilagrbjǫð. Selon les moines, il en existait plusieurs milliers d'autres, ce qui donnait le tournis...

Ainsi, Hróðbjartr avait rejeté la paix. Malgré le danger, Teodora se sentait bien et pour la première fois un tant soi peu intégrée à sa nouvelle terre d'adoption. Elle habitait un château protégé par d'imposants remparts, disposait de quelques relations, et ses serviteurs lui étaient fidèles. Dorénavant, seule lui manquait une véritable armée car ses deux gardes, aussi courageux fussent-ils, ne suffiraient pas face aux hordes sauvages d'Hróðbjartr. Elle émit alors l'idée de s'attacher les services de mercenaires. Sigurðr en sursauta d'effroi et lui conseilla, plutôt, de tisser des alliances. S'y pliant, la Valdaque demanda si ce genre d'entente pouvait par exemple se faire avec la Suzeraine de Thorval. A cela, le moine surprit la dame en expliquant, selon ce que Teodora en saisit, que Marie était une figure mystique, Reine Thaumaturge mi-ourse mi-fée. Hélas, en dépit de sa haute sapience, Sigurðr n'était pas exempt de superstitions et semblait, en outre, n'avoir presque aucune compétence en politique. Or, la Byzantine avait besoin d'un véritable Chancelier capable de juger les caractères, de démêler les intrigues, de surprendre les manipulations et de manœuvrer dans l'enchevêtrement infini des juridictions seigneuriales. Bref, une personne prête à se salir les mains pour elle.

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Le Prophète (1).
1er novembre 2011,

Fenêtre sur le Thorval JPbK0
Face au conservatisme agraire des paysans. Village de þórðrsetja.

Au début du mois dernier, Roger Lester, ambassadeur Westréen à la cour, reçut deux petits coffres en provenance de son pays. Visiblement satisfait, il descendit, l'après-midi même, des contreforts de Meltorfahamarr en direction des basses terres du Kátrland. Dès lors, il sillonna la région plusieurs semaines durant, entrant prudemment au sein des villages pour y entamer, avec les villageois, de longues discussions en vieux-thorvalois. Le Westréen en maitrisait dorénavant trois variétés. Fier de cela, il ne lui restait plus qu'à améliorer le roulement des R. Hélas, malgré ses efforts, Lester sembla, tel un prophète, prêcher dans le désert et ce fut bredouille qu'il revint de ses longues et vaines pérégrinations. Les paysans ne comprenaient tout simplement pas la nécessité de changer des pratiques agricoles qui fonctionnaient et qui permettaient de les nourrir. Pourtant, l'Olgarien ne proposait pas la mer à boire mais un changement mineur qui aurait des conséquences salutaires à court ou moyen terme ! Déçu, « mestre Hróðgeirr », comme on l'appelait au sein du royaume, s'était brisé les dents sur le très prégnant conservatisme agraire.

Alors, l'émissaire revint au château et s'apprêtait à entrer dans la Salle de la Cathèdre où se déroulaient les audiences publiques. Plusieurs bandes de pèquenauds en sortirent et parurent s'être violemment querellés concernant une rocambolesque histoire de pain mal cuit. Roger y pénétra à son tour et salua la Reine le plus simplement du monde. Une foule populeuse s'y trouvait, les latéraux étaient bondés. L'abyssale absence de protocole lui était plaisante car cela ne l'obligeait pas à contrôler ses paroles, ses gestes et ses comportements, ou à user de formules forcées et pompeuses. Il ouvrit ses coffres et fit découvrir à la salle deux types de semences : Lester les appela Grain divin [luzerne cultivée] et Grain marial [trèfle fourrager], avant d'en expliquer les qualités à la fois amélioratrices et protectrices des sols. L'homme avança en outre que celles-ci fournissaient pâture ou foin de bonne qualité, et jura enfin qu'un assolement triennal avec ces graines, à la place de la traditionnelle jachère, ferait des miracles. Les rendements du blé venant après elles augmenteraient de façon spectaculaire ! Le diplomate encouragea donc la Reine a effectuer un premier essai sur sa Réserve seigneuriale, pour ainsi donner l'exemple à ses peuples. Cependant, Marie demeura perplexe et sembla dans un état d'esprit proche de celui des paysans : pourquoi bousculer un modèle qui donnait satisfactions ? Bouleverser la jachère, pratiquée depuis des siècles, paraissait pure folie. Alors, le Westréen joua le tout pour le tout et tomba en transe, face contre pierre. La pièce s'agita et s'inquiéta. L'ambassadeur resta là, immobile et subjugué de longues minutes. Personne n'osait approcher. Était-ce satanique ? Soudain, il se releva et d'une voix grave annonça avoir reçu une vision de Dieu, ordonnant à sa première servante ici, c'est-à-dire Marie III, de ne pas rejeter Ses graines et d'en semer toute la Création, sans quoi le royaume serait frappé des SEPT PLAIES "D'ÉGYPTE". Oui... les sept terribles plaies "d’Égypte"... ! Un frisson traversa les personnes présentes, gagnées par la peur. Quant à Lester, ce dernier jubilait de l'intérieur. Subitement inquiète, Marie se signa nerveusement et opina : « Si Deus li veult... amen. »

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Mikjáll, Serpent ou Ours ?
5 novembre 2011,  

Fenêtre sur le Thorval Mikjall-de-Jensgard
L'Évêque Mikjall de Jensgard lors d'une conversation discrète dans la Cité.
 

Sur la cathèdre épiscopale...

Choisit par le chapitre de la Cathédrale Sainct Erlandr, puis confirmé par le Pape, Mikjáll était l'Évêque de Jensgård depuis janvier de l'An de Grâce 2009. Peu de temps après sa consécration, l'homme entra à la mystérieuse Confrérie Sainct Ólafr aux ambitions théocratiques et millénaristes. La rumeur disait qu'au cours des catastrophiques évènements de l'été du Sel, Mikjáll convainquit les échevins, dominés par les orfèvres et les marchands, de retarder le paiement des mercenaires qui servirent, quelques jours plus tôt, à mâter les émeutes provoquées par la spéculation sur le grain. La cruelle Compagnie de Hvítrholt perdit rapidement patience et pilla et incendia la ville pour se rémunérer. La désolation fut gigantesque, vit l'effondrement des maitres municipaux et l'avènement in fine de la Fraternité. Ainsi, sans les intrigues cléricales, la Cité serait sans doute toujours entre les mains des grands bourgeois. Les mois suivants, Mikjáll de Jensgård joua un rôle crucial afin de convaincre l'Université d'ouvrir ses portes et d'accepter la nouvelle autorité de la Fraternité. Ces changements, qui virent la fin de l'hégémonie des familles marchandes, permirent à l'Évêque de redevenir une figure politique majeure au sein de la Cité. Mikjáll de Jensgård était décrit comme pieux. Certains voyaient pourtant en lui un serpent, un redoutable intrigueur à l'ambition démesurée, allant même jusqu'à lui prêter une vocation suzeraine, celle de régner sur le Thorval comme un Roi-Évêque.

Son passé lointain...

Fils de forgeron et d'une mère travaillant dans les champs, Mikjáll effectua ses études de théologie et de droit [canon] à l'école-abbatiale Sainct Hallvarðr grâce au dévouement de l'abbé-mitré Ióhan, dont il était le protégé. L'homme fut ensuite envoyé au noviciat du monastère des Sainctz Innocents à Elfrmurtr, mais n'y embrassa pas la vie monastique. Très vite, Mikjáll fut introduit, en tant que chanoine, au sein du prestigieux chapitre de la Cathédrale Sainct Erlandr de Jensgård. Son arrivée causa un immense scandale et lui valut des accusations de simonie ainsi que de népotisme. En effet, comment un petit curé de campagne, étranger [c'est-à dire non-Jensgårdois], pouvait-il avoir gravit les échelons si rapidement ? A la troisième année au chapitre, le clerc fut victime d'une tentative d'empoisonnement qui le rendit très malade mais ne le tua pas. Il continua malgré tout à servir dans le diocèse, avant d'être consacré Évêque et élevé, six mois plus tard, au rang de Cardinal. Là encore, son ascension scandalisa bon nombres de ses adversaires.

C'était durant le temps passé au chapitre de la Cathédrale Sainct Erlandr que Mikjáll gagna sa réputation de fourbe comploteur, ambivalent tisseur de toile et manipulateur hors-pair. Par ailleurs, ce dernier se fit également remarqué pour son langage fleuri, sa propension aux rixes ainsi que ses prêches enflammées contre l'usure, les marchands, le profit, le Veau d'Or et la luxure. Certains crurent même, un jour, le reconnaitre dans les fosses à combat clandestins à l'arrière des tavernes. En dépit de cela, l'Évêque demeurait inattaquable en terme de Foi et de Morale, au grand dam de ses ennemis parmi lesquels figurait le puissant abbé-mitré Lars III de Nostre Dame des Prés qui rêvait de rabaisser le Siège de Jensgård et de devenir Primat à la place du Primat.

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La vie au milieu des champs (10).
8 novembre 2011,


Fenêtre sur le Thorval Slotnlog
Le village de Snótlǫg.

Aux alentours de Laudes, Ljóta et son frère Kristján regroupèrent l'ensemble des porcs et porcelets du village, soit 264 têtes, et partirent vers le bois Sainct ÞiúðgæiRR. Le voyage les conduisit sur les douces parois d'un cirque de collines herbeuses, avant d'atteindre et de contourner le marais d'Ekkja où plusieurs cochons faillirent mourir. Plus loin, au croisement des premiers hameaux étrangers [au sens thorvalois du terme], les divers pourceaux tachetées de noir se firent intimider par Mǫrðr, le chien, alors qu'ils s’apprêtaient à piétiner un potager de carottes et un champs fraichement semé. Finalement, le troupeau atteignit la lisière forestière aux premiers carillons de Tierce et se reput du glands des hêtres jusqu'aux Vêpres.

Pendant ce temps, au sein du village, le BóndiÞing, réunissant pour ce jour essentiellement les chefs et cheftaines de clan, décida de construire un nouveau Karvi (bateau à faible tirant d'eau) afin de remonter la Roðinna (rivière) et de razzier Atseta, le village des clans ennemis ! Dix personnes furent désignées pour l'assaut, sept hommes et trois femmes. Celles qui étaient enceintes furent interdites de combat et on s'engagea à conserver l'honneur, c'est-à-dire à ne s'en prendre ni aux mères, ni aux enfants, sauf s'ils participaient eux-mêmes aux hostilités, chose hélas plus que probable. Enfin, l'assemblée se félicita des vocations choisit par les nouveaux nés. En effet, outre les travaux agricoles, ces derniers étaient, à l'avenir, aussi appelés à une seconde tâche au nom du clan. Passée la première année, selon la tradition, une hache et un goupillon étaient posés à chaque extrémité du berceau. Dès lors, selon l'objet que le bébé touchait, celui-ci devait soit guerroyer pour le clan, soit prier pour lui. Le plus souvent, il guerroyait.

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Crépuscule Céleste.
22 novembre 2011, postdaté

Un cavalier chevauchait à vive allure dans l'interminable labyrinthe, sinueux et désordonné, des ruelles et autres culs de sac Jensgårdois. A son passage, la foule s'écartait précipitamment, envoyant valdinguer aussi bien les paniers de choux que de pains. Durant sa terrible cavalcade, le messager renversa également les tréteaux de diverses échoppes communes, causant une explosion de fureur. Peu pierrée, la chaussée était principalement constituée de fanges, de neiges et d'un vaste ruisseau central qui permettait, tant bien que mal, l'écoulement des eaux. Par ailleurs, des cochons, des volailles, des chiens, des chevaux et des chats erraient en tout lieu sans surveillance. La Cité ne comptait enfin pas le moindre large espace ouvert, si ce n'est les champs et les vergers municipaux, ainsi que la place, sise au cœur de la ville, où se dressaient la Cathédrale, les Halles de marché et les différentes bâtisses communales. En chemin, le cavalier remarqua que la capitale fourmillait d'hommes en bure encapuchonnés. Étaient-ce donc eux les Frères (Fraternité) ? En tous cas, ces derniers pullulaient absolument partout tandis que des prédicateurs prêchaient l'imminence de l'Apocalypse, et que la ville ne déplorait plus un seul mendiant. Jensgård paraissait donc vivre toute entière sous le joug de Dieu, de la morale chrétienne, du partage, de la communauté des biens, de l'égalité et de la vie communautaire.

S’échappant enfin des inextricables méandres de Jensigarðr, le messager fila à travers le parvis et déboula dans la nef au galop, avant de tendre la missive à l'évêque Mikjall. Celui-ci brisa le sceau, affichant les sublimes armes du Camerlingue, et en lu silencieusement chaque mot. « Deo gratias » prononça-t-il en relevant les yeux alors que, alertés par le tapage, plusieurs chanoines se rassemblaient. Le primat donna instruction de sonner les cloches.


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Le Glas roman sonné à la Cathédrale Sainct Erlandr.
Grosse cloche en volée, accompagnée du tintement de trois autres.
A Jensigarðr, on marquait dix coups pour la mort du Saint-Père.

Quelques instants plus tard, le glas de Sainct Erlandr retentit dans toute la ville. Au dixième coup, les gens du bourg comprirent que le Pape Célestin VI n'était plus de ce monde. Une période de recueillements et de prière tomba alors sur la Cité tandis qu'une multitude de pigeons s'élevèrent soudain dans le ciel et filèrent aux quatre extrémités du Royaume, vers les Abbés-mitrés et les Seigneurs de Thorval.

La missive du Camerlingue, annonçant la Sede Vacante, partit le 9 novembre en direction du Thorval avec le statut de lettre internationale prioritaire. Cette dernière atteignit Ålesund (Jernland) le jour même, rapidement et sans aucune difficulté. Ce n'est que lorsqu'elle parvint, le 10 novembre, entre les mains d'un des nombreux réseaux de messagers tissés à travers le pays, que les choses se gâtèrent. En effet, la dépêche n'arriva à son destinataire que le 22 novembre après les Vêpres ! En temps normal, un courrier rapide mettait environ cinq jours à couvrir la distance entre la frontière occidentale et la capitale. Hélas, le dit parcours prit ici sept jours supplémentaires ! En cause : la rivalité exacerbée et la pléthore de coups bas que se portaient mutuellement les messageries seigneuriales, ecclésiastiques, marchandes, universitaires, ...

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Berserkers des airs.
23 novembre 2011,


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Les hauteurs du Colombier.

L'homme en soutane pénétra dans le Colombier seigneurial sous l'habituelle litanie des roucoulements et des battements d'ailes. Extérieurement, la bâtisse était une large tour de pierre munit d'un toit triangulaire couvert de bardeaux et au pinacle duquel s'élevait, à dix pieds de haut, une petite coupole où les oiseaux aimaient se réunir. L'intérieur se divisait en soixante boulins où nichaient chaque couple de pigeons. Le sol, quant à lui, était couvert de pailles et d'excréments. D'un coup de bêche, le prêtre Njáll en déversa une première fournée dans la beroue [brouette], jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'un petit tas acceptable. Calamités pour les paysans lors des semailles, les pigeons demeurèrent totalement enfermés au sein de l'édifice de la fin septembre à la première moitié de novembre.

Njáll était le chapelain de la Jarl Magnhilda IV de Rúnland, une femme intelligente et cultivée, habile en intrigue mais peu portée sur la guerre, lui valant le mépris de ses semblables. Outre son sacerdoce, le prêtre était également physicien de la cour, astronome, astrologue et, comme nous l'avons vu, « maistre columbier ». La tâche exigeait un long et fastidieux travail : il fallait récolter la fiente servant d'engrais, nourrir soigneusement les volatiles, les éduquer et les entrainer avec acharnement ! Grâce à sa dévotion personnelle, Magnhilda IV possédait, à ce jour, les plus prodigieux pigeons voyageurs du Royaume. Très fidèles et endurants, ces derniers pouvaient parcourir jusqu'à deux cents cinquante lieues en une journée ! De réels Berserkers des airs que beaucoup de seigneurs lui enviaient. Relativement absents au Nord, les colombiers se concentraient, toutefois, en grand nombre dans la moitié méridionale du Royaume. Les édifices abritaient, en effet, plusieurs millions d'oiseaux, élevés comme pigeons voyageurs ou pour leur viande. Leurs excréments, par ailleurs, fournissaient un excellent engrais. Ainsi, près de 125 000 colombiers tapissaient le Thorval, sous la possession de Seigneurs, d'universités, de marchands, de l'Église et de paysans via l'ancienne coutume des communaux.

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Le second Prophète (1).
25 novembre 2011,

Le 1er novembre, Roger Lester réussit un véritable coup de force en persuadant la Reine de semer de la luzerne et du trèfle à la place de l'habituelle jachère faite de labours et de fumiers. Le premier semis devait d'ailleurs se tenir en avril. Les conséquences positives risquaient de prendre un peu de temps, peut-être deux ou trois ans. Néanmoins, l'Olgarien se sentait confiant et voyait le Thorval aux prémisses d'une petite révolution agricole au niveau des rendements. Et cela, en évitant les ravages inhérents aux systèmes mécanisés et intensifs. L'ambassadeur Jernlander, son rival, fut présent ce jour là, au sein du public, et assista médusé à la mise en scène ridicule du Westréen, digne des plus mauvais théâtres ! Hélas, personne ne vit la supercherie, ni clair dans ce jeu de dupes. Au contraire, tout le monde parmi la foule se laissa berner, de la Reine jusqu'aux paysans, en passant par les dames, les seigneurs, les chevaliers, les prêtres, les parents, les cousins et les enfants. Profitant de leurs peurs, de leurs superstitions et de leur naïveté, Lester les hypnotisa tous ! Le Jernland vécut assez mal la situation et ne comptait pas laisser son adversaire faire le prophète agraire sans riposter fermement.

D'importants charriots entrèrent à Meltorfahamarr, à la surprise des gens du château. Le chargement fut ensuite conduit jusqu'à la Salle de la Cathèdre où Marie tenait, comme presque chaque jour, les audiences publiques. Erik Vindheim entra triomphalement en compagnie de ses deux offrandes, que des exposants Voijiens présentèrent, courant septembre, au comice agricole de Leirvik, situé au Tøylenelandet, l'un des comtés jernlanders les plus rural du pays.

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La première était un cheval Syir de Touranie. Prenant un ton à la fois grave et enthousiaste, Vindheim admit que la bête n'était pas bien haute, ni très large, ni très impressionnante mais que la rejeter serait regrettable. Ainsi, a grands renforts de gestes viriles et brusques, le diplomate énuméra, une à une, toutes les qualités intrinsèques du majestueux petit équidé : il était puissant et endurant, parfait pour les travaux agricoles et le transport ! Il était rapide, résistant et infatigable, de quoi offrir à la chevalerie un nouveau type de coursier ! Enfin, le cheval Syir de Touranie était frugal et peu exigeant, pouvant parfaitement passer l'hiver dehors. Marie apparut intriguée et intéressée. Elle descendit de cathèdre, s'approcha et scruta l'animal de plus près. Il parut doux et docile. Elle ordonna alors de le conduire aux écuries et espérait le monter très bientôt.

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Vindheim introduisit la seconde offrande : un Dzo de Ventelie. L'homme le décrivit comme un parent proche de l'Auroch, fruit de l'union entre une vache d'orient et un Yak, une bête de somme originaire des hauts plateaux. Hélas, le croisement rendit les mâles complètement stériles, alors que les femelles demeuraient fécondes. Au vu des circonstances, l'animal ne pouvait être offert qu'en cadeau, et le fut comme tel, à Marie. Celle-ci remercia l'ambassadeur. De son coté, l'air pensif, le Chancelier demanda si les femelles pouvaient s'accoupler avec des taureaux norrois, ce à quoi l'émissaire rétorqua que rien ne l'interdisait mais que la progéniture risquait d'être criblée de tares et de ne pas vivre longtemps.

La rivalité Jernlando-Westréenne pour l'influence au Thorval redoublait d'intensité.


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La vie au milieu des champs (11).
28 novembre 2011,


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Le village de Frúhurð au début de l'automne.

Depuis l'aube, Sif demeurait près du feu, au dessus de l'immense chaudron, à brasser le malt. La paysanne mélangeait la mixture munit du précieux « ingremant bastun » sur lequel s'aggloméraient d'importantes quantités de levures sauvages. Précieusement conservé et transmis de générations en générations, l'objet servait aux brassins depuis des lustres. A l'extérieur, une épaisse brume couvrait l'horizon tandis que le froid agrippait le pays pour de bon. Soudain, Ísarr vint à sa Mère et lui demanda à boire. Celle-ci prit un gobelet en corne de vache, l'emplit de bière et le lui donna. Tout en s'éloignant, le petit étancha goulument sa soif et se délecta du breuvage divin, bu en de grandes quantités autant par les seigneurs que les paysans, hommes ou femmes, adultes ou... enfants. Sif reprit aussitôt son travail, comme les autres mères du clan. Dans les familles, la fabrication de la bière était, traditionnellement, monopolisée par les femmes, une tâche qui renforçait leur position et faisait aussi leur gloire.

Les celliers du village abritaient pour l'heure environ deux cent moyens tonneaux pleins de bière. Il en fallait encore une bonne cinquantaine afin de couvrir les besoins jusqu'aux prochaines moissons. Les paysannes s'attelaient à en produire tandis que les hommes préparaient la tuerie des cochons qui approchait. Les réserves de bières avaient, cette automne, été particulièrement décimées par le clan Víguðring, venu pour négocier une alliance défensive contre les Kjǫlvǫring, l'ennemi commun. Les invités posèrent leurs tentes en plein milieu du village et s'enfilèrent l'ensemble de la bjórr confectionnée en septembre ! Certains des incestueux moururent même la corne à la main ! ... Sif y vit une punition divine car abuser de l'hospitalité était aussi grave que de ne pas l'accorder. Au final, cela renforça la jeune rousse dans ses convictions : chaque clan en vase clos, chacun chez soi et les vaches seront bien gardées.

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Vie du Knáttleikr (1).
30 novembre 2011,


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Le Knáttleikr dans le Jarðligrströnd .

Jumeau de la Soule et vieil ancêtre à la fois du football et du rugby, le Knáttleikr était sans conteste le sport le plus populaire, le plus largement pratiqué et le plus rassembleur des contrées thorvaloises, tout rang confondu (seigneurs, paysans, bourgeois). Par ses caractéristiques, il correspondait quasi-parfaitement aux mœurs locales querelleuses, rustres, brutales et portées sur l'action. Il n'y avait pas de règles : avant une partie, les équipes, d'un nombre indéfini de joueurs, se mettaient d'accord sur la taille du terrain, la durée de la partie et les objectifs. Certaines se jouaient munit d'un bâton, d'autres sans. Quelle qu’en soit la variante, absolument tout était permis pour rejoindre la base adversaire : plaquages, coups de poing, coup de pied, coup de tête, doigt dans les yeux, jeu à la main, jeu au pied, étranglement ect. Selon le type, il était soi question d'atteindre [munit de la balle] la base adverse en premier, soit de la franchir plus souvent que son opposant.

Parties du mois de novembre - atteinte de la base

Ávalthǫrgr V - D Einhervangr (durée : une après-midi)
Bǫlknǫttr V - D Líttjǫrð (durée : une journée entière)
Duraþrórheimr D - V Sainct-Ansurr (durée : une journée entière)

Parties du mois de novembre - avec points

Sainct-Dúfr // - /// Rjóðrstaðr (durée : une matinée)
Austrheimr //// - (néant) Járnland (durée : une matinée)

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Au cœur de l'Université (1).
3 décembre 2011,

En cette heure tardive, Sainct-Þióðgeirr (ou Sainct-ÞiúðgæiRR, Sainct-Þjóðgeirr, notamment) était déserte. Dehors, on ne trouvait qu'animaux errants, brigands et gardes en patrouille. Le flambeau de ceux là était d'ailleurs le seul éclairage existant, le reste n'étant qu'ombres et obscurité. Pourtant, une lueur orangée s'agitait du haut de l'une des quatre tours de l'Université. Et pour cause, la source de lumière venait du Vitrail de l'Apocalypse qui ceignait le célèbre Observatoire Céleste. A l'intérieur, une demi-douzaine d'hommes en robe bleue herminée blanc et gris s'affairaient studieusement. Des maîtres ès arts, docteurs en théologie, astrologues. Submergés, leurs écritoires s’affaissaient sous un amas confus de vieux livres et de rouleaux, d'où émergeaient quelques plumes, encriers et compas. Le sol, quant à lui, se noyait non moins sous un tas de récents parchemins ou figuraient, pêle-mêle, des formes géométriques, des écrits et des calculs tout aussi ésotériques. Soudain, l'un des clercs se leva et regarda dans l' « engrante lunestte a gros mirreur », inventée en l'an de Grâce 2007 et vite devenue la pièce maitresse, exclusivement manuelle, des astronomes de l'Université. Personne, à part eux, ne disposait de tel instrument au sein du Royaume.    

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L'astre observé par l'Observatoire sous un ciel plus ou moins dégagé.

Voici de longues semaines que les astronomes de Sainct-Þióðgeirr scrutaient, avec curiosité, cet étrange astre semblant sortir de Saturne et que nul n'avait observé auparavant. Il se démarquait, au milieu de dizaines de points étoiles, comme une petite tâche bleue légèrement verdâtre. C'était Maitre Borgfastr, tout à sa stupéfaction, qui le découvrit le premier cet été alors qu'il s'enfilait sa cinquième tourtes aux myrtilles. Après un conciliabule, l'Observatoire conclut qu'il s'agissait certainement d'un objet céleste à l'aspect diffus. Quelques semaines plus tard, les érudits reprirent leurs observations et stupeur : la masse avait bougé ! Intrigués, ils optèrent pour un « mirreur » plus fort. La tache doubla alors de taille et fut la seule à le faire. Cela ne pouvait donc être ni une étoile, ni une nébuleuse mais surement une comète.

Depuis, les clercs s'évertuaient, nuit et jour, à calculer sa position, sa distance et ses mouvements. Cependant, jusque là, leurs travaux n'étaient guère concluants : quelque chose clochait concernant la trajectoire de la comète et personne n'en comprenait la raison. Les parchemins contenant leurs travaux présentaient des dizaines de calculs, de coordonnés, de schèmes sphériques, d'angles etc. Soudain, le Maitre Borgfastr se figea. Que lui prenait-il ? L'homme regarda ses confrères et annonça que l'objet n'était point une comète mais une planète. Une nouvelle après Saturne ! L'annonce les stupéfia et mena à un conciliabule. Au levée du jour, suivant plusieurs heures de débats contradictoires, le conseil s'accorda finalement et admit à l'unanimité que l'astre était sans doute bel et bien une planète. Au même moment, Maitre Ráðvaldr proposa d'en prévenir Jensgård par une dépêche. Cependant, les autres clercs s'y opposèrent, de crainte que les Jensgårdois ne soient jaloux et ne tentent de voler leur précieuse « lunestte » ! A la place, ils décidèrent de penser au nom par lequel l'objet céleste sera baptisé.

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La vie au milieu des champs (12).
10 décembre 2011,


Fenêtre sur le Thorval Astridr
La paysanne Ástríðr, cette été dans son village d'Holrhús.

Alors que grondait la tempête, Ástríðr se blottissait auprès du métier à tisser. Celui-ci était le mobilier maitre de la maison et se rencontrait dans presque toute les chaumières rurales. Au sein de la large pièce s'entremêlaient les bouffés de l'âtre, les relents de panai et d'ails du chaudron, l'odeur de la paille et de la terre tapissant le sol, celle de la viande fraichement salée et celle des bovins de l'étable, ouverte sur l'habitation. La maison accueillait au moins vingt personnes, des enfants jouant à se battre jusqu'aux anciens méditant silencieusement dans un coin. Chacun était lié par un ancêtre commun, le passé et l'avenir du clan réunis. Ástríðr s'attelait quant à elle à son labeur et tissait afin de donner une nouvelle tunique rouge à son fils. A l'aide d'une quenouillette, elle s'était également occupée du filage et comptait, après le tissage, aussi effectuer la teinture, à partir d'extraits de gaillet, autant que l'anoblissement de l’étoffe par la pose de galons via le jeu précis des tablettes (ou des cartes). Les couleurs étaient forts appréciées au sein du village ainsi que dans tout le Royaume. Les plus courantes étaient le rouge, le vert, le bleu, le jaune et le violet. Et chacune d'elle provenait d'une plante cultivée ou cueillit localement. On pouvait notamment citer la guède, le gaillet ou encore l'oignon. Un vêtement gris, noir ou brun était un choix mais marquait le plus souvent une pénurie de teintures.

Ainsi, la confection des vêtements représentait non seulement une tâche domestique mais également quotidienne. Produire ses besoins et vivre en autarcie constituait, pour les clans, le cours naturel des choses au sein d'une société où les échanges intercommunautaires étaient très faibles, au moins autant que la spécialisation, la division du travail et l'interdépendance économique. En ce contexte rural, les marchands n'avaient guère d'importance et leur poids politique ridicule.

Cependant, Ástríðr et les paysannes thorvaloises s'affairaient au tissage aussi en souvenir des Nornes, discret mais marquant bel et bien les esprits. Déesses, elles vivaient aux pieds de l'Arbre-Monde qu'elles arrosaient quotidiennement avec l'eau tirée du Puits d'Urd. Protégées par Yggdrasil, les plus connues se nommaient Urd, Verdandi et Skuld. Ces dernières gravaient l'avenir et tissaient les fils du Destin, où Passé, Présent et Futur s'entremêlaient dans le cour chaotique du temps. Or, le Destin norrois n'était pas fataliste mais s'amendait par l'action, bien que certains évènements devaient se produire en dépit des actes. Une pensée qui au final su parfaitement se fondre dans la position catholique mélangeant destinée et libre-arbitre, rejetant aussi bien prédestination qu'absolu libre-arbitre.

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Des Rois et des Reines.
14 décembre 2011,


Fenêtre sur le Thorval 0L2W8
La seigneuresse Ærnborg V, régnant sur þvaitland
et son peuple depuis 2003.

L'Histoire de Thorval pouvait se diviser en trois grandes périodes ou Trois Ages : l’Ère des rois (jusqu'en 826), l’Ère du roi (826 à 980) et l’Ère des clans (depuis 980). La division classique (Antiquité, Moyen-Age, Renaissance, Temps modernes, Époque contemporaine) n'était pas adaptée, tout en étant trop orienté dans sa compréhension.

L’Ère des rois correspondait à une période d'au moins huit siècles durant laquelle les terres thorvaloises se divisaient en une mosaïque interminable de petits royaumes faibles et en guerre perpétuelle. Le plus minuscule couvrait un village et son voisinage quand le plus vaste s'étendait sur un terroir ou une région. On pouvait en dénombrer plusieurs centaines, parmi lesquels les royaumes de Vísburland, de Seiðrvǫllr, de Svássland, d'Heilsláta, d'Andlitgrár, etc. Avec patience, ruse et violence, Aðulfr dit le Grand, du clan Finulfing, parvint à tous les unifier et à se faire glorieusement couronner Roi de tout les Thorval au IXe siècle. Le titre changea quelques décennies plus tard (870) en Roi de Thorval. Ce fut par ailleurs au cours de l’Ère du roi que naquit la HárÞing, haute assemblée destinée notamment à élire le suzerain suprême, privilège qu'elle perdra définitivement au XIVe siècle. Néanmoins, le système imaginé par Aðulfr se dérégla, se délita et sombra dans un effondrement dramatique en 980, officialisant le passage du Deuxième au Troisième Age : l’Ère des clans. Prise dans le chaos, la royauté mit un siècle pour s'en remettre et ne sortit la tête de l'eau qu'avec Geirleikr Ier de la dynastie Bróðiring (régnant actuellement sur le Thorval) en 1085. Cependant, cette « restauration » ne fut que très partielle et ne permit pas d'évolutions majeures dans la relation entre Roi et seigneurs. Ainsi, les conséquences de l'anarchie de 980 se faisaient toujours ressentir aujourd'hui, le royaume ne s'en étant jamais vraiment remis.

Durant son histoire mouvementée, et à l'exclusion de l'Ère des rois, le Thorval vit cent-un suzerains se succéder sur la cathèdre royale, quatre dynasties et une période sans dynastie claire de 980 à 1004. Phénomène marquant, le pays connut, par ailleurs, pas moins de dix-huit reines régnantes : trois Freyja, trois Marie, cinq Gísla et sept Edda.

Freyja Iere (949-966) vécut les prémisses des drames de 980, Edda Iere (1179-1201) participa aux croisades, Edda III (1317-1333) vit l'hérédité par primogéniture supplanter définitivement l’élection, Marie Iere (1333-1350) succomba de la peste, etc. Dans l'ensemble, les reines, autant que les rois, du Troisième Age légiféraient très peu. Ils ne gouvernaient ni n’administraient, faute de paix prolongée, concorde qui n'avait plus été vu depuis de très longs siècles. Ainsi, la vie d'un Roi ou d'une Reine se résumait à guerroyer, intriguer, défendre, arbitrer, et survivre dans le chaos, le danger et les vengeances sans fin.

Au sein de quelques monastères, des moines réfléchissaient à comment infléchir l'interminable Troisième Age et à faire entrer le Royaume dans une nouvelle Ère. Comment réparer le péché originel commis par ceux ayant permis ou laissé se produire le démembrement de l'héritage politique d'Aðulfr le Grand ? A moins que le péché originel ne fut, en fait, que l’œuvre elle-même, ce désir arrogant et babélien d’unifier des peuples, certes norrois, mais très différents ? Voilà pourquoi, certains avaient, dans le secret des scriptoriums, imaginé un retour magnifié à l’Ère des rois sous la forme d'une Confédération inerte, c'est à dire sans pouvoir propre à l'exception de ceux accordés de façon ponctuelle et éphémère par les royaumes, réelles acteurs et unique force politique. En échange, ces derniers prêteraient serment de ne plus guerroyer entre eux.

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La Byzantine (5).
17 décembre 2011,

Fenêtre sur le Thorval Pr2u
Le moine Sigurðr en son monastère.

Promis par Sigurðr, les frères-lais s'installèrent au sein de la réserve seigneuriale durant le mois de novembre. Les dites-terres étaient dorénavant leur foyer et ils se mettront à les cultiver dès la fin de l'hiver. Quelques temps après leur venue, la byzantine alla les saluer vêtue de riches atours sertis de rubis, bardés de fourrures et cousus de fil d'or. Elle fit, ce jour là, une telle impression que les paysans s'adressaient désormais à elle par un « Teodora Reyne ». Le moine [Sigurðr] s'en inquiéta car s'il avait bel et bien enseigné que la société aimait les symboles autant que les démonstrations concrètes, il serait toutefois prudent pour sa « mestresse » de ne pas surestimer sa position au risque de s'attirer de gros ennuis. La dame sembla, cependant, ne pas en tenir compte et continua à se vêtir grandement, sans non plus réprimander ses paysans sur la manière dont ils s'adressaient à elle.

Un soir, près du feu, la Byzantine s'interrogea soudain à propos des familles qui vivaient dans sa Réserve. Était-ce des... serfs ? Sigurðr opina, ajoutant qu'ils lui furent donner gratuitement, sans forfuyance, et que son rôle était désormais de veiller sur eux et de ne point les maltraiter. Sur ce, Teodora demanda si les serfs étaient nombreux dans le royaume, à quoi le frère répondit que oui tout en assurant que leur sort, quand bien même changeant de fief en fief, demeurait malgré tout meilleur que celui des paysans libres. Quant aux Thralls (esclaves), ceux-ci avaient été théoriquement abolit en 992 mais ne disparurent factuellement qu'au XIe siècle. Et les corvées ? Sigurðr rétorqua que la chose était universelle mais que les coutumes en restreignait l'usage. La discussion dura tout le soir et fut une bonne lectio pour la Valdaque qui ne s'était, jusque là, pas posée toutes ces questions. Avant de lui souhaiter bonne nuit, le moine l'informa de la rupture des négociations avec le Jarl de Djúprdalr. Non content de n'apporter que cinq guerriers et pas la moindre monnaie, le seigneur en réclamait également trop en retour. Politiquement, le mariage n'avait donc guère d’intérêt.

Avant de dormir, Teodora alla se recueillir à la chapelle castrale réaménagée d'après le canon orthodoxe, avec un crucifix, quelques icônes, et des cierges mais pas d'autel et encore moins d'iconostase, équivalent orthodoxe des jubés catholiques, toujours communs au Thorval mais ayant presque disparu partout ailleurs dans la catholicité (poussée par les réformes introduites au XVIe siècle). Cependant, sans pope pour célébrer, à quoi bon un chœur (partie sacrée d'une église) ? Au fond d'elle, Teodora ressentit alors la nécessité de se convertir à la foi catholique norroise, condition sine qua none pour s'enraciner définitivement, être pleinement acceptée, monter politiquement et in fine, échapper à Petru l'Usurpateur. Désormais enveloppée sous ses fourrures, seule dans sa chambrelle, la Byzantine pensa longuement sans trouver le sommeil. Tout à coup, elle ressentit un profond sentiment de solitude et regretta de n'avoir personne vers qui se blottir. La conversion devint alors primordiale, une nécessité politique mais aussi du cœur.

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Le second Prophète (2).
21 décembre 2011,

Ceinturé de ses nouveaux secrétaires, ou geôliers [agents du Sikkerhetsjeneste] comme il se plaisait à les appeler, le diplomate Jernlander fit une très légère révérence pour saluer la Reine. Loin de la cohue habituelle des audiences publiques, la Salle de la Cathèdre présentait, ce soir là, une longue table à tréteaux et plusieurs bancs. Brillant depuis l'âtre, le feu virevoltait sur un vitrail de la pièce, à peine dérangé par les bougies peuplant les latéraux. Erik prit place à table et rejoignit Marie, son écuyer et quelques de ses chevaliers. Les plats surprirent l'ambassadeur : n'étaient-ils pas supposés manger maigre lors du Carême de l'Avent ? Puis, il se souvint que le « bièvre » [castor] était considéré comme un poisson au Thorval. Pendant ce temps, Marie glissa doucement son tranchoir vers l'échanson qui en arracha un morceau et goûta. « Pure est la vitaille, Mestresse. » rassura-t-il après avoir avalé et attendu de voir. Le Jernlander fut ensuite chargé de réciter le bénédicité, durant lequel il put montrer sa profonde foi chrétienne norroise, pleine d'élan et de vie.

Chacun se signa et put alors se jeter sur son plat, y allant avec les doigts et en mordant voracement dans la bonne chair. L'ambassadeur s'était, avec le temps, habitué aux coutumes de la table barbares du voisin, où l'usage des couverts restait l'apanage de la seule grande bourgeoisie des villes. Au sein des campagnes, village ou château, manger avec une petite fourche était le comportement d'un Ragr, soit d'une lopette. Les discussions durant le repas furent riches en couleurs. A la fin, alors que les servants venaient de débarrasser les tranchoirs, n'étant plus que de grosses piles d'os, un convive voulut lire un de ses poèmes. Le chevalier Leiðulfr l'interrompit aussitôt et partit sur un sujet typique de son humeur. La scène illustrée, avec certains propos, ci-dessous :

Fenêtre sur le Thorval EagP4

Vinheim s'était fait aux ripailles balourdes, vulgaires et parfois graveleuses du Royaume, loin de l'ambiance mondaine et feutrée des habituels dîners d'État. Il se prêta volontiers au jeu et profita de l'occasion pour torcher la réputation du grand ennemi actuel : le Westrait. Et pour cela, nul besoin d'aller chercher très loin, ni d'évoquer un certain sens commun à ses hôtes (qui pouvait mal passer). Intelligemment, l'homme demanda fortuitement où se trouvait « mestre Hróðgeirr », le suspectant d'avoir honte de sa terre saxonne qui venait, ni plus ni moins, de rendre illégal les exécutions judiciaires. La Reine écarquilla les yeux, comme ses chevaliers, tous abasourdis par la nouvelle. Leiðulfr, quant à lui, en leva les yeux au ciel...

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... avant d'évoquer leur manie de ne pas vouloir torturer. Le Jernlander fut satisfait de sa manœuvre : les Westréens venaient d'en prendre pour leur grade, un sacré coup. Les conversations reprirent ensuite sur d'autres sujets, aussi peu civilisés que choquants. Le diplomate prit son mal en patience avant de se retirer suivis de ses acolytes. La veillée fut bonne, même excellente pour le Jernland dans sa lutte géopolitique acharnée contre l'adversaire communiste. Place désormais à l'étape suivante : corruption, manipulation et sabotage agraire.

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