La vie au milieu des champs (278).
2 octobre 2023 A.D,
Ástríðr III, désarmée, assise sur sa cathèdre.
Lorsque la sempiternelle brume des jours d'automne se dissipa, la seigneuresse Ástríðr décida de tenir ses audiences publiques hors de son donjon de pierre, à savoir près de la bâtisse en bois ouverte abritant le four à pain. Fièrement juchée sur son vénérable faudesteuil, la Dame arborait une mise à la fois détendue et apaisée. Vêtue tant de sa cape d'ours que de ses fourrures afin de se prémunir des primes morsures du Noroît, dont les bourrasques s'en venaient déjà, elle se plut à faire fête et à montrer moult bontés envers les serfs qui parurent à ses pieds. Ces derniers la trouvèrent, de leur coté, fort bienheureuse, florissante, amène et de gente race. Maint parmi eux furent par ailleurs bien aises de la savoir en gésine. L'honneur pour eux de vivre sous les augures d'une maitresse si puissante, si débonnaire et si belle étaient non seulement source de contentement mais aussi de profond honneur.
A un village dont le puits fut envenimé par les charmes démoniaques d'une méchante sorcière se tapissant au plus profond des forêts parsemant les confins du fief, elle ordonna tant de sceller la puante source que d'en creuser une nouvelle et, dans l'attente de l'ouvrage, consentit à ce que les villageois puisassent eau fraiche au sein des puits castraux. A d'autres humbles dont le roncin venait de périr, mettant en péril les semailles d'automne, elle fit don de trois chevaux, ainsi que d'un boisseau de foin. A un clan dont la chute d'une échelle fit se déverser un plein tonneau d'aigre vinasse dans la rivière, la chevaleresse offrit sept tonnelets de Falernum, vin latin de très haute renommée à la teinte clair et aux douces saveurs. A de rudes serfs qu'elles connaissaient parfaitement et dont la roue d'un char, regorgeant de sacs de farines sortant du moulin, se brisa sur la via agricola, elle fit mander son propre charron et pourvue également le bois nécessaire à l'office. Enfin, Eyvindr, brave pastoureau de la glèbe vint lui présenter la meule de fromage que les siens avaient minutieusement affiné. Curieuse, la Dame en piqua un morceau avec son poignard et le porta à son palais. De teinte or, d'aspect vieilli, le fromage déployait un goût vif, profond et piquant. De couleur crème dorée, veiné d'azur, l'intérieur était tendre et onctueux. Avec un bonheur sans pareil, le petit berger vit l’œil de sa maitresse briller de mille feux. Satisfaite, la Matriarche le couvrit d'une clémente récompense : Eyvindr, s'exclama-t-elle, soit bénis ! En juste guerredon, je te le dis, les tiens ne paieront point de champart cette année ! N'en croyant pas ses oreilles, le pâtre demeura un temps ébaubi, figé, pétrifié et interdit, avant de tomber à genoux et de remercier tendrement sa seigneuresse. Les chevaliers présents furent, eux mêmes, émerveillés par telle mansuétude tandis que Brialdur, le chapelain castral, loua la chrétienté de sa Dame.
Alors que le dais d'encre des heures vespérales recouvrait peu à peu le pays, Ástríðr prit place autour du tréteau dressé en la salle des cathèdres près de l'hotte sculptée à flore. Une vive flambée crépitait dans l'âtre. Sept de ses chevaliers lui tenaient compagnie, en plus de Finnólfr, son écuyer, de son mari Valdríkr et d'une demi-douzaine d'autres parents. Ses fils dormaient, quant à eux, dans la chambrée du donjon. Accroupi à coté du feu, une pierre à la main, un guerrier affutait silencieusement la lame de sa hache. Ceinte de chandelles et de torchères, la pièce baignait en un doux halo de lumière jaune orangée que la pénombre semblait sans cesse devoir menacer. Quelques instants auparavant, des espies relatèrent les viles rumeurs que le Roi de la Montagne faisait courir au Septentrion à propos d'Ástríðr, l'accusant faussement d'inceste, d'avarice et de débauches. Offensé par ce que le félon colportait à l'égard de sa seigneuresse, d'autant qu'il essayât même de l'assassiner, Skeggi fulminait de rage : que le Malin l'étouffe avec son ineffable soif de richesse, beugla l'homme, qu'il lui fasse payer sa superbe, sa cupidité, ses mensonges, ses ambitions ! Qu’il soit maudit ! Maudit jusqu’à la douzième... Abattant sa destre sur le tréteau, la chevaleresse le fit taire : paix Skeggi ! Cesse tes hérésies et réserve ta hargne à de meilleurs usages, lui conseilla-t-elle. Pendant que celui-ci tachait, bon gré mal gré de s'apaiser, la Dame déroula un parchemin scellé qu'un servant venait de lui mander. En découvrant le bref, son visage s'illumina soudainement : Njáll de Greiðliga, rival de sa mesnie, acceptait de venir à sa cour pour la Nativité afin de trancher leurs différends et de peut-être nouer une alliance contre l'ennemi qui les menaçait tout deux. L'homme sera par ailleurs accompagné d'Eilífr de Njörunheimr, son vassal et adversaire avec lequel Ástríðr désirait également clore ses querelles. Ainsi, comme le disait l'ancien proverbe, à quelque chose malheur est bon !
2 octobre 2023 A.D,
Ástríðr III, désarmée, assise sur sa cathèdre.
Lorsque la sempiternelle brume des jours d'automne se dissipa, la seigneuresse Ástríðr décida de tenir ses audiences publiques hors de son donjon de pierre, à savoir près de la bâtisse en bois ouverte abritant le four à pain. Fièrement juchée sur son vénérable faudesteuil, la Dame arborait une mise à la fois détendue et apaisée. Vêtue tant de sa cape d'ours que de ses fourrures afin de se prémunir des primes morsures du Noroît, dont les bourrasques s'en venaient déjà, elle se plut à faire fête et à montrer moult bontés envers les serfs qui parurent à ses pieds. Ces derniers la trouvèrent, de leur coté, fort bienheureuse, florissante, amène et de gente race. Maint parmi eux furent par ailleurs bien aises de la savoir en gésine. L'honneur pour eux de vivre sous les augures d'une maitresse si puissante, si débonnaire et si belle étaient non seulement source de contentement mais aussi de profond honneur.
A un village dont le puits fut envenimé par les charmes démoniaques d'une méchante sorcière se tapissant au plus profond des forêts parsemant les confins du fief, elle ordonna tant de sceller la puante source que d'en creuser une nouvelle et, dans l'attente de l'ouvrage, consentit à ce que les villageois puisassent eau fraiche au sein des puits castraux. A d'autres humbles dont le roncin venait de périr, mettant en péril les semailles d'automne, elle fit don de trois chevaux, ainsi que d'un boisseau de foin. A un clan dont la chute d'une échelle fit se déverser un plein tonneau d'aigre vinasse dans la rivière, la chevaleresse offrit sept tonnelets de Falernum, vin latin de très haute renommée à la teinte clair et aux douces saveurs. A de rudes serfs qu'elles connaissaient parfaitement et dont la roue d'un char, regorgeant de sacs de farines sortant du moulin, se brisa sur la via agricola, elle fit mander son propre charron et pourvue également le bois nécessaire à l'office. Enfin, Eyvindr, brave pastoureau de la glèbe vint lui présenter la meule de fromage que les siens avaient minutieusement affiné. Curieuse, la Dame en piqua un morceau avec son poignard et le porta à son palais. De teinte or, d'aspect vieilli, le fromage déployait un goût vif, profond et piquant. De couleur crème dorée, veiné d'azur, l'intérieur était tendre et onctueux. Avec un bonheur sans pareil, le petit berger vit l’œil de sa maitresse briller de mille feux. Satisfaite, la Matriarche le couvrit d'une clémente récompense : Eyvindr, s'exclama-t-elle, soit bénis ! En juste guerredon, je te le dis, les tiens ne paieront point de champart cette année ! N'en croyant pas ses oreilles, le pâtre demeura un temps ébaubi, figé, pétrifié et interdit, avant de tomber à genoux et de remercier tendrement sa seigneuresse. Les chevaliers présents furent, eux mêmes, émerveillés par telle mansuétude tandis que Brialdur, le chapelain castral, loua la chrétienté de sa Dame.
Alors que le dais d'encre des heures vespérales recouvrait peu à peu le pays, Ástríðr prit place autour du tréteau dressé en la salle des cathèdres près de l'hotte sculptée à flore. Une vive flambée crépitait dans l'âtre. Sept de ses chevaliers lui tenaient compagnie, en plus de Finnólfr, son écuyer, de son mari Valdríkr et d'une demi-douzaine d'autres parents. Ses fils dormaient, quant à eux, dans la chambrée du donjon. Accroupi à coté du feu, une pierre à la main, un guerrier affutait silencieusement la lame de sa hache. Ceinte de chandelles et de torchères, la pièce baignait en un doux halo de lumière jaune orangée que la pénombre semblait sans cesse devoir menacer. Quelques instants auparavant, des espies relatèrent les viles rumeurs que le Roi de la Montagne faisait courir au Septentrion à propos d'Ástríðr, l'accusant faussement d'inceste, d'avarice et de débauches. Offensé par ce que le félon colportait à l'égard de sa seigneuresse, d'autant qu'il essayât même de l'assassiner, Skeggi fulminait de rage : que le Malin l'étouffe avec son ineffable soif de richesse, beugla l'homme, qu'il lui fasse payer sa superbe, sa cupidité, ses mensonges, ses ambitions ! Qu’il soit maudit ! Maudit jusqu’à la douzième... Abattant sa destre sur le tréteau, la chevaleresse le fit taire : paix Skeggi ! Cesse tes hérésies et réserve ta hargne à de meilleurs usages, lui conseilla-t-elle. Pendant que celui-ci tachait, bon gré mal gré de s'apaiser, la Dame déroula un parchemin scellé qu'un servant venait de lui mander. En découvrant le bref, son visage s'illumina soudainement : Njáll de Greiðliga, rival de sa mesnie, acceptait de venir à sa cour pour la Nativité afin de trancher leurs différends et de peut-être nouer une alliance contre l'ennemi qui les menaçait tout deux. L'homme sera par ailleurs accompagné d'Eilífr de Njörunheimr, son vassal et adversaire avec lequel Ástríðr désirait également clore ses querelles. Ainsi, comme le disait l'ancien proverbe, à quelque chose malheur est bon !
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