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Fenêtre sur le Thorval

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La vie au milieu des champs (278).
2 octobre 2023 A.D,

Fenêtre sur le Thorval - Page 22 Seigneuresse-Astridr
Ástríðr III, désarmée, assise sur sa cathèdre.

Lorsque la sempiternelle brume des jours d'automne se dissipa, la seigneuresse Ástríðr décida de tenir ses audiences publiques hors de son donjon de pierre, à savoir près de la bâtisse en bois ouverte abritant le four à pain. Fièrement juchée sur son vénérable faudesteuil, la Dame arborait une mise à la fois détendue et apaisée. Vêtue tant de sa cape d'ours que de ses fourrures afin de se prémunir des primes morsures du Noroît, dont les bourrasques s'en venaient déjà, elle se plut à faire fête et à montrer moult bontés envers les serfs qui parurent à ses pieds. Ces derniers la trouvèrent, de leur coté, fort bienheureuse, florissante, amène et de gente race. Maint parmi eux furent par ailleurs bien aises de la savoir en gésine. L'honneur pour eux de vivre sous les augures d'une maitresse si puissante, si débonnaire et si belle étaient non seulement source de contentement mais aussi de profond honneur.

A un village dont le puits fut envenimé par les charmes démoniaques d'une méchante sorcière se tapissant au plus profond des forêts parsemant les confins du fief, elle ordonna tant de sceller la puante source que d'en creuser une nouvelle et, dans l'attente de l'ouvrage, consentit à ce que les villageois puisassent eau fraiche au sein des puits castraux. A d'autres humbles dont le roncin venait de périr, mettant en péril les semailles d'automne, elle fit don de trois chevaux, ainsi que d'un boisseau de foin. A un clan dont la chute d'une échelle fit se déverser un plein tonneau d'aigre vinasse dans la rivière, la chevaleresse offrit sept tonnelets de Falernum, vin latin de très haute renommée à la teinte clair et aux douces saveurs. A de rudes serfs qu'elles connaissaient parfaitement et dont la roue d'un char, regorgeant de sacs de farines sortant du moulin, se brisa sur la via agricola, elle fit mander son propre charron et pourvue également le bois nécessaire à l'office. Enfin, Eyvindr, brave pastoureau de la glèbe vint lui présenter la meule de fromage que les siens avaient minutieusement affiné. Curieuse, la Dame en piqua un morceau avec son poignard et le porta à son palais. De teinte or, d'aspect vieilli, le fromage déployait un goût vif, profond et piquant. De couleur crème dorée, veiné d'azur, l'intérieur était tendre et onctueux. Avec un bonheur sans pareil, le petit berger vit l’œil de sa maitresse briller de mille feux. Satisfaite, la Matriarche le couvrit d'une clémente récompense : Eyvindr, s'exclama-t-elle, soit bénis ! En juste guerredon, je te le dis, les tiens ne paieront point de champart cette année ! N'en croyant pas ses oreilles, le pâtre demeura un temps ébaubi, figé, pétrifié et interdit, avant de tomber à genoux et de remercier tendrement sa seigneuresse. Les chevaliers présents furent, eux mêmes, émerveillés par telle mansuétude tandis que Brialdur, le chapelain castral, loua la chrétienté de sa Dame.

Alors que le dais d'encre des heures vespérales recouvrait peu à peu le pays, Ástríðr prit place autour du tréteau dressé en la salle des cathèdres près de l'hotte sculptée à flore. Une vive flambée crépitait dans l'âtre. Sept de ses chevaliers lui tenaient compagnie, en plus de Finnólfr, son écuyer, de son mari Valdríkr et d'une demi-douzaine d'autres parents. Ses fils dormaient, quant à eux, dans la chambrée du donjon. Accroupi à coté du feu, une pierre à la main, un guerrier affutait silencieusement la lame de sa hache. Ceinte de chandelles et de torchères, la pièce baignait en un doux halo de lumière jaune orangée que la pénombre semblait sans cesse devoir menacer. Quelques instants auparavant, des espies relatèrent les viles rumeurs que le Roi de la Montagne faisait courir au Septentrion à propos d'Ástríðr, l'accusant faussement d'inceste, d'avarice et de débauches. Offensé par ce que le félon colportait à l'égard de sa seigneuresse, d'autant qu'il essayât même de l'assassiner, Skeggi fulminait de rage : que le Malin l'étouffe avec son ineffable soif de richesse, beugla l'homme, qu'il lui fasse payer sa superbe, sa cupidité, ses mensonges, ses ambitions ! Qu’il soit maudit ! Maudit jusqu’à la douzième... Abattant sa destre sur le tréteau, la chevaleresse le fit taire : paix Skeggi ! Cesse tes hérésies et réserve ta hargne à de meilleurs usages, lui conseilla-t-elle. Pendant que celui-ci tachait, bon gré mal gré de s'apaiser, la Dame déroula un parchemin scellé qu'un servant venait de lui mander. En découvrant le bref, son visage s'illumina soudainement : Njáll de Greiðliga, rival de sa mesnie, acceptait de venir à sa cour pour la Nativité afin de trancher leurs différends et de peut-être nouer une alliance contre l'ennemi qui les menaçait tout deux. L'homme sera par ailleurs accompagné d'Eilífr de Njörunheimr, son vassal et adversaire avec lequel Ástríðr désirait également clore ses querelles. Ainsi, comme le disait l'ancien proverbe, à quelque chose malheur est bon !

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Fenêtre sur le Thorval - Page 22 WJBTmHW

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La vie au milieu des champs (279).
23 octobre 2023 A.D,

Fenêtre sur le Thorval - Page 22 Provisions-Thorval1
Les provisions que l'on fit à Mærvöllr.

Accompagnée de quelques chevaliers, d'húskarlar de ses trois fils, de leurs nourrices, de son écuyer Finnólfr, ainsi que de son mari Valdríkr, la seigneuresse Ástríðr III se rendit à son fief du Mærvöllr. Situé à une demi-journée de chevauchée au septentrion d'Auðigrborg, lesdites terres constituaient un beau domaine couvrant dix-sept mille jugères romans de champs dorés, de grouillantes rivières, d'humbles bois, de collines fleuries, d'une mine de sel et d'un gisement d'alun. Le château était une motte sur laquelle trônait un petit donjon de pierre, rehaussé des dépendances composant sa basse cour et ceint d'une vaste palissade en bois, ainsi que d'un fossé où coulaient quelques eaux. Les alentours se parsemaient, quant à eux, de blés, de sources fraiches, de chaumières desquelles s'échappaient moult volutes, d'enclos à bétails, de jardins à simples et à racines (choux, poireaux, panais, navet, céleri, carotte sauvage) et de poules déambulant, picorant et gloussant entre elles sur les landes. 

Effrayés quant aux récentes rumeurs d'éclaireurs du Roi de la Montagne rôdant subrepticement dans le pagus, les habitants de la glèbe accueillirent leur maitresse avec ivresse et soulagement, qu'ils aimaient bien davantage que le sénéchal qui s'occupait du domaine en son absence. La rondeur de sa matrice suscita aussi grande fête et maints se rendirent à l'église d'atours romans, ou tombèrent au pied des oratoires, afin de prier que l'hoir qui s'en venait fusse si bon, si chrétien et si juste que sa Mère, à propos de laquelle la Sainte Église ne tarissait, elle même, pas d'éloges, allant jusqu'à la parer du titre laudateur de Miles Christi. Malgré sa gésine, Ástríðr ne ménagea pas ses efforts. Sortant quotidiennement du donjon, elle veilla à ce que les moissons d'été fussent convenablement placées au sein des greniers et le foin rentré. Elle fit par ailleurs remiser nuées de sel qui aideraient les vaches, ainsi que les chèvres, à donner le meilleur lait à la reverdie, les moutons leur plus douce laine. Les poissons furent salés et séchés, les jambons, les boudins (slátur) et les quartiers de venaison fumés. L'on entassa en outre moult jarres d'huile d'olive, privilège du Monde Roman, autant que tonneaux de miel, de vin, de bière et d'hydromel. Les celliers se jonchaient également de saucisses pendant depuis les solives et l'on ne dénombrait, enfin, plus qui les grosses meules dorées à la croûte vieillie, qui les pots à beurre en grès emplit d'eaux salées, qui les paniers et écuelles débordant de myrtilles, de framboises, de fraises sauvages, de noisettes, de pommes, de baies, de choux, de panais, d'aneth, d'herbes et d'oignons, qui les tonneaux regorgeant de saumons en saumure, qui enfin les sacs de pois que l'on empilait joyeusement dans les souterrains. De surcroît, l'on remisa tant de bûches et de petits bois pour le feu qu'il fallut édifier deux nouveau bûchers.

De leur cotés, les serfs s'attelaient aussi à achever les labours et semailles d'automne, partaient avec les cochons à la glandée, remplaçaient les chaumes abimés de leur logis, confectionnaient des rameaux d’osier, tressaient des ponjonc, recueillaient le sang des bêtes abattues et en purifiait les boyaux. Comme si tout cela ne suffisait guère, la Dame proclama, un matin, une grande journée de pêche. Les rivières domaniales se garnirent alors de filets et les salaisons se révélèrent abondantes. L'endemain, la chevaleresse convoqua les enfançons du pagus et les chargea de glaner le plus de baies et de champignons possibles ! Celui qui en ramena le plus fut gratifié d'un guerredon, à savoir une gente cape tissée en peau de loups massacrés au cours des tueries de l'an dernier ! Au terme des diverses activités, les celliers, ainsi que les granges, foisonnèrent  de vivres et de provisions, s'amoncelant parfois jusqu'au plafond. Et l'abondance concernait aussi bien le château que l'ensemble des villages du domaine qui, nonobstant, avaient tenu à mettre une plus grande part des moissons à l'abri au sein de la motte qu'à l'accoutumée. Eu égard aux menaces du Roi de la Montagne, la seigneuresse préparait-elle son peuple à la guerre ? Ou souhaitait-elle simplement que ses serfs ne périssent point durant l'époque morne ? Il y en eut sans doute un peu des deux tant son cœur animé par le Haut Seignor Jhesu répugnait à les voir vivre dans la crainte et le besoin. A ce titre, elle décida de demeurer à Mærvöllr jusqu'au temps de l'Avent, annonce qui éveilla moult contentements chez ses serfs. Pendant ce temps, à Auðigrborg, le chapelain convoquait en son nom les vassaux pour la fin de l'Avent.

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La vie au milieu des champs (280).
16 novembre 2023 A.D,

Fenêtre sur le Thorval - Page 22 Cuisine-thorval1
Les cuisines de la motte de Mærvöllr.

La chevaleresse Ástríðr III était au chaud, sur son châlit, une grande planche de bois garnie de paillasse au-dessus d'un materas en toile rembourré et recouvert d'un chapelet de fourrures en guise de couverture. La flambée dansait guillerettement au sein de l'âtre et crépitait harmonieusement en la chambrée seigneuriale. Le coffre bardé de fer posé au bout de la couche contenait les bliauds, les armes et la cotte de mailles de la Dame, autant que les brais, les chausses, les tuniques, le haubert, la hache, le poignard et l'épée de son mari. Se retournant, Ástríðr alla affectueusement poser son chef sur le torse de celui-ci et profita de l'occasion pour parcourir de ses habiles doigts les balafres, souvenirs de précédentes escarmouches, qui creusaient son corps ici et là. Féru d'amour pour sa bien aimée, Valdríkr déposa un tendre baiser, aussi suave que le miel, sur sa chevelure d'or. En fermant les yeux, la maitresse de Mærvöllr se remémora l'affaire qui l'occupa, elle et les siens, l'ensemble de la dernière journée.

Réunie dans la salle des cathèdres du donjon, de rudes accusations furent portées par moult races de serfs contre Þjóðrekr, son seneschal, celui auquel la guerrière confiait la garde du château de Mærvöllr et du fief toutes les fois où elle ne pouvait être présente en personne. Les humbles, qui frayaient en la glèbe depuis maintes générations et que la maitresse savait honnêtes et féaux, l'accablèrent de maux incommensurables, depuis la dissipation de biens jusqu'aux abus, en passant par des larcins et du brigandage. A cet égard, la seigneuresse s'était, en son for, bel et bien étonnée de la nouvelle panse arborée par son lieutenant, plus rebondie qu'à l'accoutumée, sans omettre ses bajoues, qu'il ne portait guère auparavant. Le sanglant coupaul avait-il profité de son absence pour s'enrichir et vivre au dépend de la campagne ? Les quartiers de l'accusé furent alors rondement fouillés, sans merci ou complaisance, et l'on y décela, habilement dissimulé sous une trappe pratiquée dans le sol, un déluge de riches fourrures, de brocarts très précieux, de perles, de rubis, de pierreries, de plats en bronze, de vases sacrés, de crucifix d'autel, de livres enluminés, de sel, beaucoup de sel, et d'autres monnaies de bon aloi. Entièrement confondu, l'homme avoua et Ástríðr le condamna à recevoir vingts coups de fouet pour ses méfaits. Atterrée, Friðla, l'épouse du condamné, assaillit aussitôt la haute justicière de ses suppliques et autres complaintes, insistant pesamment, la menaçant même à demi-mots, mais la chevaleresse demeura inflexible en ses jugements.

A None, le fouet s'abattit sur le Sénéchal. En y repensant, la Dame pouvait encore entendre le bruit sec des lanières de chanvre labourant le dos. L'homme reçut les premiers en silence, serrant bravement les dents, puis de ses entrailles jaillirent de primes gémissements, suivit de plaintes déchirant l'air, de cris stridents puis le silence à nouveau. A bout de forces, Þjóðrekr avait, sur les trois derniers, perdu connaissance. Ne pouvant convenablement s'en charger elle-même du fait de sa gésine, la Matriarche avait confié l’exercice de la sentence à Valdríkr qui, il fallait l'avouer, n'y alla pas de main morte et accabla le supplicié de toute l’animadversion que lui vouaient les serfs du domaine à cause de ses forfaits. Pour autant, la miresse qui sonda ensuite ses plaies dû admettre avoir déjà vu dos en pire état après tant de coups de verges. Quand bien même meurtri et souffrant de fièvres, le seneschal garderait certes de grosses cicatrices mais avait néanmoins toutes les chances de s'en remettre.

Soudain, la progénie des deux amants, Rólfr, Úlfarr et Arnvaldr, pénétra jovialement dans la chambrée accompagné d'une nourrice. Ayant finit leurs ablutions, ils bondirent sur la couche et s'endormirent bientôt entre leurs parents, au sein du soyeux cocon de leurs bras. La nuit fut sereine et lénifiante.

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La vie au milieu des champs (281).
21 décembre 2023 A.D,

Fenêtre sur le Thorval - Page 22 Peau-Thorval1
Les peaux suspendues d'une tannerie au Thorval.

Du fait de sa gésine qui approchait à grand pas, Ástríðr III rentra de Mærvöllr à l'abri dans une litière en compagnie de sa progénie et de ses nourrisses. Pourvu de bancs en bois couverts de peaux d'ours et de renards, le chariot n'étalait ni splendeur, ni aisance particulière mais rendait malgré tout le voyage moins harassant qu'à dos de monture, surtout pour une Dame, certes forte et aguerrie, mais sur le point de mettre bas. Finnólfr et Valdrík, respectivement écuyer et mari de cette dernière, chevauchèrent quant à eux aux cotés de l'escorte qui se composait d'húskarlar, d'archers et de chevaliers de la mesnie. Tiré par deux puissants sommier à robe rouan, l'attelage mit trois jours à atteindre Auðigrborg. Lorsque les fiers remparts du château furent en vue au bout de l'antique via agricola, les chevaux pressèrent d'eux-mêmes le pas, prenant un petit trot allègre, comme s'ils devinaient que l'écurie, ses auges regorgeant d'eau fraiche et de succulente avoine, n'était plus très loin. Avec les frimas qui régnaient sur le pagus et la neige qui tombait dorénavant dru, Ástríðr ne fut pas heureuse de retrouver les murs de son logis ancestral, ainsi que la chaleur de ses cuisines et celle de son vaste donjon ! L'église castrale sonna un carillon de joie pour célébrer son retour et une profonde liesse s'empara de ses serfs qui, toujours tourmentés de la savoir en ses autres domaines, furent bienheureux de la revoir à leur chevet.

Illuminé par la lueur provenant des meurtrières mais surtout par celle de l'âtre, des chandelles et des torchères, la salle des cathèdres était comble. Deux semaines et demies avaient passé. Dans une horde de capes en peau de gibier, de fibules en bronze, de fourrures d'épaules, de ceintures de cuir desquelles pendaient une hache ou le fourreau d'une épée, de surcots ornés d'armoiries, de bliauts damassés, de mantes fourrées, de robes de bure, de mantels de drap de soie moirée, de fiers éperons et de riches colliers de perles, Jarlar, chevaliers, housecarls, moines et abbés mitrés s'assemblaient autour de la seigneuresse qui se plut, du moins en cette année, à réunir son Concilium durant le temps de l'Avent, peu avant la Nativité. Ce fut aussi pour elle l'occasion de récolter les aides coutumières dû par ses vassaux. Gracieusement dressée sur sa cathèdre, portant Tranche-Couilles, son épée, à la ceinture, la chevaleresse mirait le seigneur Vilhiálmr déposant un généreux amas de fourrures à ses pieds. Dévoué, Valdrík descendit de son faudesteuil et amena lesdits dons à son épouse afin qu'elle ne se fatiguât pas. Celle-ci le remercia d'un soyeux regard et sonda de sa destre les magnifiques cuirs de martre. Elle soupesa ensuite la qualité d'une peau de loup gris, puis passa, avec délectation, sa main gantée de cuir dans les fourrures qui de lièvre, qui de vison, qui de la rousse épaisseur des queues de renard. Elle déplia enfin une pelisse de loutre afin de mieux en constater les coutures. Satisfaite, elle remercia son vassal qui s'inclina respectueusement et repartit au milieu de ses pairs.

Ce fut au tour de Fríða de Fornhálsland de s'avancer. Alerte et robuste, la guerrière venait de succéder à son Père. Décidée à transmuter les féautés de son clan, trop longtemps attachées à la lignée déclinante du Röskrhóland, elle venait accorder Foi et Hommage à Ástríðr III ainsi qu'à sa vigoureuse race. A cet égard, la Matriarche quitta son trône et descendit prudemment les degrés de l'estrade. Fríða courba la nuque, s'agenouilla devant elle et joignit les mains. Un lent sourire étira alors les lèvres d'Ástríðr qui referma aussitôt ses poings sur les siens.

« Fríða de Fornhálsland, veux-tu être mon homme ? demanda la maitresse d'Auðigrborg.
- Je le veux, répondit la vassale avant de reprendre, moi Fríða de Fornhálsland, je te promets à toi, Ástríðr troisième du nom, féauté, loyauté, chevauchée, conseil, aide et soutien. Je te donne mon épée, mon bras, mon honneur et jure devant Dieu et les hommes de te servir jusque dans le trépas et de ne jamais t'être félonne ou relaps.
- Moi, Ástríðr, dame d'Auðigrborg, je fais serment sous le regard du Haut Seignor Jhesu de t'offrir protection, subsistance, secours, charité, et bienveillance ! En guise de guerredons, tu recevras un cheval, une cotte-de-mailles, une épée et un bouclier neufs » clama la Matriarche à son tour devant moult témoins.

Puis, d’une invite de ses mains toujours closes sur les siennes, elle appela sa vassale à se relever et ensemble, elles échangèrent le baiser de paix. La puissance d'Ástríðr, autant que sa renommée, s'affermissait encore. De quoi susciter maintes envies... telles que celles de Njáll de Greiðliga et de ses vassaux ? Celui-ci devait pourtant s'en venir au château le matin de la Nativité dans l'espoir d'apaiser les querelles et de peut-être tisser une alliance contre le Roi de la Montagne.

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La vie au milieu des champs (282).
28 décembre 2023 A.D,

Fenêtre sur le Thorval - Page 22 Eilifr-de-Njorunheimr1
Le Jarl Eilífr, sur ses terres du Njörunheimr, jusqu'à peu ennemi juré d'Ástríðr III.

L'escorte du seigneur Njáll de Greiðliga, avec Eilífr de Njörunheimr à l'avant-garde, passa le bois du pont-levis de la forteresse d'Auðigrborg à pas comptés. Sentant tout à coup les éperons s'abattre sur leurs flancs, les montures s’élancèrent au galop et soulevèrent, en leur tumultueux sillage, maintes neiges et terres humides. Derrière les murs de la place-forte, un sergent s'affairait, de son coté, à abaisser la herse. A peine couvertes par le vent, les cloches des proches églises carillonnaient l'heure de Tierce. En tendant l'oreille, l'on pouvait également deviner l'étrange et suave murmure des eaux cristallines d'une rivière prisonnière d'une gracile couche de glace. D'oisifs flocons s'échappaient du firmament dont la teinte ivoire offrait gente lueur en cette morne époque. La messe et le banquet de la Nativité, de même que les quelques autres jours d’allégresse passés aux cotés de la rayonnante et farouche Ástríðr III, se révélèrent très aimables. Bien qu'elle fut sa rivale, Njáll éprouvait vive passion lascive pour la chevaleresse et désirait plus que tout unir son corps au sien. Il avait d'ailleurs cru la faire sienne lors du Haut Þing de la Reverdie mais fut, à l'inverse, vivement rabroué, recevant son genou dans les parties viriles, comprenant dès lors que la Dame n'en prisait qu'un, le chevalier Valdrík, son mari, lequel ne désirait-elle ni trahir, ni déshonorer, ni attrister. Attentionné et profondément épris pour elle, Valdrík resta, au cours des derniers jours, immuablement auprès de son épouse, certes en gésine, et ne quitta son chevet en nul instant, aggravant dès lors d'autant plus la frustration que Njáll endurait.

La chevauchée ralentit, adoptant un trot vif, alors que les robustes remparts d'Auðigrborg s'évanouissaient peu à peu derrière la troupe. Le seigneur en profita pour scruter les monastères, les moulins, les champs, les bois et les villages aux huttes bien bâtit desquelles se dérobaient moult volutes de claire fumée, promesse qui de cervoise nouvelle, qui de brouet, qui de tourtes aux oignons, qui de ragoût au chevreuil cuisant dans l'âtre. Courant à travers prés, les serfs de la glèbe s'abandonnaient, en dépit des frimas, aux facéties et charivaris typiques de la fête des fous. Le guerrier haussa les épaules, il n'avait qu'indifférence pour ces pourceaux et ne comprenait, à cet égard, guère le penchant qu'Ástríðr ressentait à l'encontre des plus petits parmi ses gens. Était-ce de la faiblesse ? Qu'était cette tendresse que la Dame gardait non seulement pour les siens, mais aussi pour les pauvres, les nécessiteux, les malheureux et tout ceux qui pouvaient avoir besoin d'elle, de sa bravoure, de ses prouesses et de son épée ? Comment une chevaleresse si vaillante, si abrupte, si aguerrie et si redoutable au combat pouvait-elle en même temps se montrer si humble et si pleine de compassion ? Soudain, l'homme se remémora le soyeux visage de son épouse, Urðr, morte en couche cinq ans auparavant... Un voile tomba alors sur son vigilant regard... et il récita une courte prière à l'adresse du Fils de Sainte Marie, ainsi qu'à Monseigneur Georges.

Malgré la mélancolie qui tourmentait son esprit, le chevalier était parvenu à apaiser les querelles et à forger une belle alliance entre son clan et celui de la Dame. Unis, le Roi de la Montagne y réfléchirait dès lors à deux fois avant de les attaquer ou de s'en prendre à leurs domaines respectifs ! Les liens politiques tissés au cours des célébrations de la Nativité reposaient en effet sur de vigoureuses fondations, à savoir le mariage de sa fille puinée, Hildr, avec le premier-né d'Ástríðr, le petit Rólfr. En raison des malédictions auxquelles il la voua par le passé, Eilífr de Njörunheimr, vassal du Jarl Njáll, présent lors du pourparler, dû quant à lui se résoudre à offrir deux de ses trois fils en otage à la puissante maitresse d'Auðigrborg. Tel fut en effet le prix de sa confiance et de sa loyauté !

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La vie au milieu des champs (283).
16 janvier 2024 A.D,

Fenêtre sur le Thorval - Page 22 Future-2
La seigneuresse Ástríðr III. En gésine, elle était sur le point de connaître les douleurs de l'enfantement.

Ce matin là, Ástríðr III s'éveilla des torpeurs oniriques par de vives douleurs en sa matrice. Crispée, la Dame était, nûment, entrain de mettre son quatrième hoir au monde. Elle toisa du regard autour d'elle et n'aperçut ni Valdrík, ni sa progénie, ni même Finnólfr, son féal écuyer qui, d'ordinaire, passait ses nuits sur une paillasse placée au bord de la vaste couche seigneuriale. Qu'elle aurait pourtant, en cet instant, apprécié les voir tous à son chevet ! Posant alors le regard sur les lueurs entrant par l'interstice du volet de bois barrant la meurtrière, celle-ci compris que l'on préféra la laisser dormir... Le chant du coq qui s'élevait, claironnant et perçant, de la basse cour ne fut en effet guère le premier, de même que Prime fut depuis longtemps sonnée par le carillon de l'église castrale ! Ástríðr essaya de se lever mais, prise d'une soudaine contraction, retomba d'emblée sur son châlit. Le grognement qu'elle poussa retentit si bien qu'il attira non seulement ses gardes, mais aussi ses matrones, ses enfançons, son mari, son écuyer, son chapelain, ses chevaliers, ses húskarlar, ses archers, ses servantes, ses amis, ses parents, ses cousins et même une troupe de serfs présents dans le donjon au moment des faits ! Par le ventre de la Sainte Vierge, jura Brialdur, quelle est cette foule ? Les guérisseuses tolèrent à peine nos présences ! Avec l'aide de quelques sergents, l'homme de Dieu s'attela dès lors à faire sortir le plus de monde possible et, suivant moult efforts, parvint à en chasser courtoisement le plus grand nombre, n'y laissant que la proche famille de la Dame. Deux matrones aidaient celle-ci à s’accroupir sur les linges immaculés qu'elles avaient adroitement disposé sur la froide pierre, tandis qu'une autre faisait bouillir de l'eau après avoir ravivé la flambée qui crépitait au sein de l'âtre. Les miresses lui sondèrent minutieusement le ventre et décrétèrent à l'unisson que le temps des rudes et âpres labeurs était venu.

Une crispation poussa Ástríðr à rejeter le chef en arrière alors que les douleurs devinrent peu à peu plus terribles et plus précipitées. En vêture d'Ève, celle-ci entourait son ventre distendu de ses mains. Suivant quelques instants de calme et d'apaisement pendant lesquels la jeune guerrière respira par petits coups brefs et véloces, une contraction, cette fois vive et prolongée, lui fit perdre les eaux. D'instinct, la seigneuresse se mit à pousser de toutes ses forces. Dans la lutte qui était dorénavant sienne, la chevaleresse pensa aux courbes gracieuses qu'elle s'apprêtait à retrouver, ramenant sa taille fine, ses hanches souples, son exquise féminité, sur un corps cependant harmonieusement charpenté. Elle reconquerrait sa vélocité, son habileté et son ardeur guerrière ! Tandis que Rólfr, son ainé de cinq étés, lui étanchait le front, perlant de sueurs, la Dame se remémora les combats auxquels elle participa, se revoyant brandir son épée, sa lame heurtant celle de ses adversaires, tranchant leurs gosiers, tailladant leurs flancs, dévidant leurs tripes sur la terre humide ! Que dire aussi des affrontements au corps à corps, des poursuites endiablées, des coups reçus ! Revivant littéralement la frénésie des batailles, elle aperçut le visage enjoué du preux Eiríkr Barbe-Fleurie, son Père bien aimé. Fut-il en vie, l'homme eut été, à l'évidence, très fier des prouesses que sa fille avait accompli, ainsi que de la féroce combattante qu'elle était devenue, et de la renommée qui ceignait tant sa personne que le clan tout entier ! Sans doute veillait-il sur elle depuis la félicité du Paradis. Un soyeux sourire illumina alors le visage crispé d'Ástríðr qui, alors que Sexte s'annonçait au dehors, poussa une ultime fois, rêvant, se faisant, de la manière dont elle chérirait et vénèrerait son menu hoir.

Puis, il n'y eut plus qu'un seul cri, celui du nouveau-né qui tomba dans les mains de la matrone, suivit peu de temps après par l'arrière-faix (placenta) que des servantes vinrent cueillir afin de l'ensevelir sous un arbre fruitier. Impatient de voir le jour, l'enfantelet remuait hardiment. Une fille ! Robuste et belle comme sa tendre Mère ! Loué soit le nom du Seigneur ! s'exclama affectueusement le chapelain qui était reparut entre temps. Avec moult bonhommie, l'abbé avisa sa maitresse de la nécessité de se plier au rite des relevailles, avant de lui murmurer quelques paroles quant à d'aucunes intrigues ayant court dans le pagus, sans que cela ne la tourmentât outre mesure. Pendant ce temps, une des matrones emmenait l'enfantelet à l'église castrale et fut, à cet égard, bientôt prestement rejointe par Brialdur.

Tandis que l'ont portait son enfançonne sur les fonds baptismaux, Ástríðr prenait un repos bien mérité sous l'épaisse couverture de peaux jonchant sa couche. Tout à coup, des bruits de sabot retentirent au sein de la basse cour et bientôt les éperons d'un chevalier tintèrent sur le sol de la chambrée. Arnulf, s'exclama la Dame ravie et émerveillée, tu es venu ! Comment pourrais-je n'avoir remembrance ? rétorqua ce dernier en prenant le visage de sa sœur entre les mains et en lui baisant tendrement le front. Les eaux du cœur montèrent à ses iris et  des larmes dévalèrent les joues de la seigneuresse qui, en cet instant, ne pouvait se sentir plus heureuse...

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